POÈMES D’ENFANCE (2)
Par Michel Bellin le mardi 17 juillet 2007, 09:27 - Lien permanent
Très souvent remontent à la surface de ma mémoire des lambeaux de poèmes… un demi vers boiteux par ci… un octosyllabe estropié par là… parfois juste quelques mots agrippés à une rime. Par exemple : « Midi, roi des étés épandu sur la plaine… » ou «…le coup dut l'effleurer à peine, aucun bruit ne l'a révélé mais la légère meurtrissure… » Ensuite, plus rien, le cerveau capitule : un grand blanc. J'enrage, j'épelle à mi-voix pour retrouver le Sésame. Toujours rien. Pas moyen de trouver la suite mais il suffirait peut-être de gratter par ci, de dépoussiérer par là… peut-être… c'est si lointain, un demi-siècle ! C'est si proche, encore si vivant en moi lorsque je ferme les yeux pour ressentir dans mon esprit embué toute cette imagerie verbale qui palpite et bat encore comme un petit cœur obstiné. Fragments d'enfance !
En ce temps-là (dans les années cinquante soixante), boule rase et blouse grise, j'étais un élève modèle dans mon petit séminaire austère. On faisait ses Humanités, comme on disait à l'époque. Le grec et le latin étaient à l'honneur, Bordas était notre Bible, un certain Calvet peut-être aussi, en moins rutilant. J'étais 1er de classe à peu près en tout (sauf en gymnastique), année après année, collectionnant les billets d'honneur qui étaient roses et les livres de Prix fin juin (ils étaient ennuyeux car c'était souvent des vies de Saints). J'adorais déjà les mots, les strophes bien rythmées, les alexandrins fiers et musclés, les métaphores et les harmonies imitatives – « La foudre au Capitolin tombe ! » – et j'étais tout à mon affaire lorsqu'il s'agissait d'apprendre par cœur puis de réciter, bien droit à côté du banc, en mettant de l'expression. Comme j'étais ému et intimidé ! Pourquoi ces lambeaux de poésies ont-ils résisté à l'usure du temps… à tous les sédiments qui se sont accumulés sur ces années studieuses et en définitive heureuse ? Je ne saurais le dire.
J'ai décidé en cet été 2007 (l'année de mes 60 ans) de ratisser ma mémoire, de partir à la recherche de ces mots enchantés et de reconstituer, l'un après l'autre, le puzzle de mes poésies d'enfance, les plus belles, les plus impérissables. Surprise, surprise… Avec un moteur de recherche, ce devrait être facile, non ? Par exemple, si je tape « midi roi des étés » ou « le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais » - les deux seuls fragments qui surnagent dans ma mémoire indocile - que va-t-il se passer ? La méga mémoire d'Internet va-t-elle reconstituer sur-le-champ le poème de… de qui au juste ? Lamartine ou Théodore de Banville ? Allez, c'est parti, ma campagne de fouilles lexicales est ouverte.
« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute…
En ce temps-là (dans les années cinquante soixante), boule rase et blouse grise, j'étais un élève modèle dans mon petit séminaire austère. On faisait ses Humanités, comme on disait à l'époque. Le grec et le latin étaient à l'honneur, Bordas était notre Bible, un certain Calvet peut-être aussi, en moins rutilant. J'étais 1er de classe à peu près en tout (sauf en gymnastique), année après année, collectionnant les billets d'honneur qui étaient roses et les livres de Prix fin juin (ils étaient ennuyeux car c'était souvent des vies de Saints). J'adorais déjà les mots, les strophes bien rythmées, les alexandrins fiers et musclés, les métaphores et les harmonies imitatives – « La foudre au Capitolin tombe ! » – et j'étais tout à mon affaire lorsqu'il s'agissait d'apprendre par cœur puis de réciter, bien droit à côté du banc, en mettant de l'expression. Comme j'étais ému et intimidé ! Pourquoi ces lambeaux de poésies ont-ils résisté à l'usure du temps… à tous les sédiments qui se sont accumulés sur ces années studieuses et en définitive heureuse ? Je ne saurais le dire.
J'ai décidé en cet été 2007 (l'année de mes 60 ans) de ratisser ma mémoire, de partir à la recherche de ces mots enchantés et de reconstituer, l'un après l'autre, le puzzle de mes poésies d'enfance, les plus belles, les plus impérissables. Surprise, surprise… Avec un moteur de recherche, ce devrait être facile, non ? Par exemple, si je tape « midi roi des étés » ou « le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais » - les deux seuls fragments qui surnagent dans ma mémoire indocile - que va-t-il se passer ? La méga mémoire d'Internet va-t-elle reconstituer sur-le-champ le poème de… de qui au juste ? Lamartine ou Théodore de Banville ? Allez, c'est parti, ma campagne de fouilles lexicales est ouverte.
« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute…
M I D I
Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine ;
La terre est assoupie en sa robe de feu.
L'étendue est immense et les champs n'ont point d'ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux :
La lointaine forêt dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.
Seuls les grands blés mûris, tels qu'une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil ;
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.
Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S'éveille et vient mourir à l'horizon poudreux.
Non loin quelques bœufs blancs couchés parmi les herbes
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais.
Homme si le cœur plein de joie ou d'amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! la nature est vide et le soleil consume :
Rien n'est vivant ici, rien n'est triste ou joyeux.
Mais si désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l'oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,
Viens, le soleil te parle en parole sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lent vers les cités infimes,
Le cœur trempé sept fois dans le néant divin.
Leconte de Lisle (1818 - 1894), Poèmes antiques
Zut ! Encore tout faux ! C'était toujours Leconte de Lisle ! Que vienne ce bel été en ce juillet pluvieux (14° ce matin à Garches !)