Tard dans la nuit, j'ai entendu dimanche dans le poste la voix pateline du ministre de l'intérieur-candidat surjouant comme d'habitude, face à une étudiante fraîche et pugnace, son rôle de redresseur de tort volontariste, ami des jeunes et soucieux de l'avenir de la France. L'après-midi, dans une ambiance de kermesse en délire, notre prédicateur avait évoqué les mânes d'un jeune communiste fusillé et ceux d'un black américain assassiné par son rêve de fraternité. Ah ! l'AAAAAAAAAmour selon Saint Sarkozy guili guili ! Mais soudain, sans crier gare, mon inconscient – qui se fout de la logique – a imposé à ma mémoire un tout autre dialogue. C'était récemment dans une modeste gare de la banlieue Ouest (chic) de la capitale. Il est 18h 45. Je suis seul sur le quai, attendant ma correspondance pour Noisy. Pas tout à fait seul : 7 CRS font le pied de grue. Je me sens en minorité, vaguement déstabilisé. Eux sont décontractés, leur service doit s'être terminé, certains en grillent une. Leurs ceinturons sont bardés de la quincaillerie réglementaire, leurs fesses moulées d'une mâle assurance (ce qui n'est pas pour me déplaire). Descendant de la passerelle, un tout jeune homme survient accompagné de son amie. Il a l'air sage, la besace en bandoulière mais… le pantalon plus bas que la taille, comme l'exige la mode dans cette catégorie d'âge. Un tee-shirt recouvre néanmoins le tout d'une sorte de flou artistique très printanier. « Remonte ton froc, tu te crois à la plage ou quoi ? » Le ton est rogue, sans réplique ; les cerbères bombent le torse. Effaré, le jeune homme a obtempéré ; les autres flics rigolent. J'ai détourné le regard lâchement… Il n'empêche, on a eu très chaud ce soir-là à St Nom la Bretèche : face à la déferlante des jeunes voyous et de leur identité nationale immoralement brouillée, la vigilance républicaine a été ferme et immédiate.
Et si le rêve s'était déjà transformé en cauchemar ?