LA CIGARETTE
Par Michel Bellin le jeudi 1 mars 2007, 08:45 - Lien permanent
Puisqu'elle est aujourd'hui honnie, vilipendée, pourchassée en tout lieu public, bientôt peut-être demain en tout lieu privé si les sbires de l'Hygiène Sociale et de la Moralité Citoyenne continuent de faire parmi nous des ravages…
C'est décidé, je me remets à fumer à temps et à contretemps, en savourant les poèmes posthumes du cher Jules Laforgue !
C'est décidé, je me remets à fumer à temps et à contretemps, en savourant les poèmes posthumes du cher Jules Laforgue !
Oui, ce monde est bien plat ; quant à l'autre, sornettes.
Moi, je vais résigné, sans espoir, à mon sort,
Et pour tuer le temps, en attendant la mort,
Je fume au nez des dieux de fines cigarettes.
Allez, vivants, luttez, pauvres futurs squelettes.
Moi, le méandre bleu qui vers le ciel se tord
Me plonge en une extase infinie et m'endort
Comme aux parfums mourants de mille cassolettes.
Et j'entre au paradis, fleuri de rêves clairs
Où l'on voit se mêler en valses fantastiques
Des éléphants en rut à des chœurs de moustiques.
Et puis, quand je m'éveille en songeant à mes vers,
Je contemple, le cœur plein d'une douce joie,
Mon cher pouce rôti comme une cuisse d'oie.
Jules Laforgue, Poèmes posthumes