Ces jours, l'automne s'installe.
Saison plus douce après la canicule de juillet et les frimas du mois d'août. Saison davantage pleine après les éternels et futiles marronniers entretenus l'été dernier par les médias paresseux (les bouchons sur les autoroutes, les huîtres polluées, les sommets politiques - à La Rochelle ou ailleurs - également assez saumâtres, etc. )
Septembre donc...un mois plus avenant ? Plus dense ? Plus prometteur ? Plutôt une saison impérieuse et manipulatrice, partout slogans et injonctions qui tonitruent : la rentrée, la rentrée, réussir sa rentrée ! Sous-entendu : sois performant, organise tes achats, réussis ta consommation, dévore le bouquin "incontournable"... Bref, reprends ton train-train… avant qu'il ne déraille !
Mon humour s'aiguise : rentrer sagement, en rangs, en apnée, mais encore faut-il pouvoir s'en sortir ! « Voulez-vous couper l'alarme ? » affiche parfois le portable scandant réveils et rendez-vous. Comment, à certaines heures, ne pas dire « pouce ! », entrevoir déjà un répit, ne pas en rêver ? Mais le jour où tu dis c'est assez, déjà tu es un homme mort, n'est-ce pas ? Continuer donc, cahin-caha, tout en rêvant, mais pas en une songerie sentimentale un peu niaise ; entrevoir plutôt une sorte d'utopie et la saisir à bras le corps. Au sens pur et fort de l'utopie, incarnation de l'indicible et de l'impossible dans le concret et au quotidien. Avec énergie, une sorte de rage, voire de férocité, et en même temps une douceur qui n'a rien à voir avec cette candeur mêlée de nostalgie sirupeuse et d'espoirs irréalistes. L'UTOPIE telle que l'a figurée Thomas More : non pas faite pour durer, mais pour passionner ! Une réponse de la mélancolie à la mélancolie même. Un éclat de rire sans cynisme, plutôt un sourire entendu, un courage à (sur)vivre sans donquichottisme, un affranchissement de la raison ratiocineuse et des dictats des dieux tyrans (Pouvoir, Fric, Sexe, Marché, Technologie…) pour simplement et prioritairement faire émerger l'Instant, la poésie du quotidien, le miracle d'une vraie rencontre avec autrui, avec l'Autre, celle ou celui qu'on a un jour élu – même si cette rencontre, cette embellie, n'est pas éternelle et 100% rassasiante comme on l'a cru – oui, l'oasis de la tendresse dans ce désert de vacuité et d'incommunicabilité technologiques… A chacun son utopie et sa marge de manœuvres !
L'avenir, quelle que soit l'angoisse personnelle et collective qui nous prend à la gorge, reste donc ouvert puisque vivre, c'est se projeter dans l'avenir. Non pas avec la rigidité des certitudes ou la frénésie de consommation, mais avec la fluidité accommodante de ceux qui ont ressenti la fragilité d'être, la douce patience de ceux qui ont enduré, combattu pas à pas pour dissiper leurs ténèbres intérieures et la violence subie. Sans esprit de revanche ni boulimie compensatrice, mais avec dorénavant une souriante ironie, hors dogme, hors stratégie, hors paradis messianique faisant rimer Ségo avec Sarko (mais 100 gentes dames d'Aquitaine plutôt qu'un seul «bacille de Sarkozy » qui nous menace et tel que je le stigmatise d'un coup de plume rageur dans une page d'IMPOTENS DEUS).
Je fais ici une parenthèse : partout on lit et on entend, les "Français" disent… les "Français" pensent… les "Français" plébiscitent… Quels Français ? Je ne me sens JAMAIS ce Français-là, parmi eux, du même avis qu'eux. Dieu merci, je ne donne jamais mon avis ni ne suis sondé. Alors qui sont-ils ces "Français" ? Existent-ils vraiment ? Ne sont-ils pas des ectoplasmes médiatiques occupant les sondeurs et titillant les politiques ? Si oui, si c'est cela la pensée dominante unique, je la vomis et je n'ai plus qu'une envie : ne plus être Français !Fin de la parenthèse. Je me calme, je respire un bon coup. Je reprends : oui, écrivais-je, simplement « aller son chemin » en tentant de ne plus être assourdi par la connerie franco-français (aïe, ça me repend), en pratiquant la décroissance, en sabotant la relance de la consommation libérale (nique et nunc !), en faisant d'urgence une cure de désintoxication médiatique. Retour à SOI et à sa manière de (sur)vivre pour être cohérent et rester libre. Accepter de vivre d'abord avec soi-même comme meilleur compagnon. Avec les autres aussi comme possibles partenaires. Pas la masse, juste une poignée de « fidèles », ceux qu'on compte sur les dix doigts de la main… disons cinq peut-être. Parvenir, sinon à la sérénité, du moins à l'apaisement. Au lâcher-prise. A l'humour consolateur. A la patience aussi : un jour…
un seul jour à la fois,
juste aujourd'hui.
J'affectionne la métaphore de l'eau, non pas le fleuve majestueux ou l'océan tumultueux, mais plutôt la nappe phréatique, ce trésor souterrain et invisible, imperceptible et indestructible : la vie, quoi ! Celle que seuls les poètes visionnaires entrevoient sur la berge du 8ème jour évoqué par Charles Bobin : « aucune illusoire maîtrise ne peut détourner le cours de l'insouciant ruisseau qui va en nous et ne sait où il va, accédant à des instincts en friche, bouleversant des terres sans âge, dont le soulèvement se confond alors avec la douleur qui nous en vient, insupportable, radieuse. »C'est alors que l'automne bourgeonne…Bonne rentrée à chacune et à chacun…
et vivement qu'on en sorte, de cette putain de rentrée !