Le duo des ténèbres

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Le duo des ténèbres
Alna éditions
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4è­¥ de couverture :

Entre julius, le vieux prêtre provincial et Lulu, la prostituée parisienne, rien de commun semble-t-il. Et puis, comment nous sentir proches de ces êtres dont la vie paraît si éloignée de la nôtre ? Pourtant, en cette nuit de Noël, c'est toute la magie de ce texte, ils sont nos frères humains, et nul ne peut, contre eux, avoir le coeur trop endurci.

Egalement romancier (Le messager, éd. H&O), nouvelliste (Communions privées, Charme et splendeur des plantes d'intérieur, éd. H&O), Michel BELLIN dont l'écriture très littéraire offre un plaisir rare, livre avec LE DUO DES TENEBRES un texte fort et dérangeant, donc nécessaire.

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Extrait :
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L’HOMME

« (…) Je veux croire, je veux croire… mais quoi, j’en crève à la fin. Bon Dieu, ce que je veux c’est être un peu heureux et vivre enfin, vivre, vivre, vivre… [L’homme a crié ce mot plusieurs fois]. Pardon, mon Rachid, je me suis emporté. Je sais, tu n’aimes pas la violence, n’aie pas peur… Ce n’est qu’un mauvais sermon, celui que je ne pourrai jamais prononcer. Et c’est pourtant cela qu’il me fallait écrire. Et proclamer ! Mais que peux-tu comprendre à mes jérémiades ? Et à quoi bon te cracher ces rafales sur cette page ? Quel rapport avec toi ? Avec ta vie ? J’ai froid, j’ai mal. Dans ma poitrine un abysse et mon poignet me brûle à force de griffonner. Et dans ma bouche desséchée, ni goût ni dégoût, rien, aucune sensation : Dieu est insipide Du vent. Un renvoi. Un relent douceâtre. Une chose est sûre : je ne suis plus son ventriloque professionnel. Je rends mon tablier. La messe est dite ! Ce soir, je veux être l'humble serviteur de Rachid. C'est lui mon seul Sauveur. C'est lui ma démence. Je sais, je suis perdu, ou sauvé… je ne sais plus… mais je veux croire encore : non au futur ni au Royaume des cieux, mais en moi, en toi, en notre bonne étoile. Il n'est jamais trop tard, cher gentil, n'est-ce pas ? Rejoindre enfin ma patrie charnelle… Seras-tu le bel astre qui charmait les bergers et conduisit les mages ? Puisque la Parole un jour, ou plutôt une nuit, a pris chair dans la terre d'Orient, puisque mes mots aujourd'hui peuvent geindre ou hurler, je crois en cette puissance du verbe qui prend corps et palpite, déracine les montagnes, éblouit les aveugles, ouvre une brèche dans le granit de ton silence…

(Le portable sonne encore. Fausse alerte)

LA FEMME

- Allô ? Chéri ? C’est toi ? Je ne t’entends pas. Allô ?…

Je ne comprends pas. Il devait me rappeler. Pour me dire ce que je dois mettre, la toilette qu’il préfère, celle qui va le mieux avec sa broche. La broche qu’il m’a offerte pour mon anniversaire. C’est drôle, je n’ai plus envie de rire. Ou alors de rire jaune. [Pause] En 15 mois, nous n’avons eu que sept rapports sexuels, une misère. Sept baises en un peu plus d’un an ! Un peu ma faute aussi. Je voulais un amour pur qui ne me rappelle rien des vieilles turpitudes. Mais le corps a ses propres raisons… Le sexe est une urgence sans raison. Ni plus ni moins. Faut faire avec. Alors, j’en ai rajouté. La dernière fois que nous sommes vus, à la sauvette, c’était dans mon studio. Encore un tabou que j’ai brisé pour lui ! Et ce soir-là, je lui ai donné le maximum, ce plaisir de Sodome qui plaît tant aux hommes ! La première fois de ma vie. A 68 ans – 68 ans et 7 mois puisqu’il tient tant à mon âge, – ce n’est pas si mal, non ? Et ce n’est pas une partie de plaisir, je vous assure. Pas beaucoup de putes de mon âge sur la place de Paris accepteraient de se faire faire l’arrière-boutique ! Quand j’y repense, j’ai honte. Non de l’acte, mais d’avoir gaspillé ma tendresse. Il ne voulait, lui, que mes fesses. Ca rime mais ça n’a rien à voir. J’ai tout soldé pour lui. Je ne suis qu’une poule piaillant après le grain ! En vain. Mon cœur est au régime forcé. C’est lui qui picore mon blé en me forant le cœur ! Je veux le casser, lui tordre le cou. Et quand il sera à mes genoux, ce voyou, ce filou que j’adore, je lui ferai rendre gorge, je jubilerai, je lui crierai : « Petit mec ! Sale petit mec ! [Elle hurle]

Pour se calmer, Lucienne manipule son portable. Elle interroge le répondeur.

Une voix (off) :

« Bonjour ! Vous n’avez aucun nouveau message. Menu principal. Pour vos options, faites le 1. Pour votre annonce d’accueil, faites le 2… »

L'HOMME

Petit Rachid, je t’en prie. Il faut essayer, tu dois balbutier, il te faut dégeler ton silence de mort… s'il te plaît, essaie encore ! Fais comme avec ton père ou avec Ibrahim : laisse parler ton cœur. Ce rêve est ma folie, ma rédemption, mes étrennes… notre Bonhomme Noël visite-t-il ton bled ? Mon seul cadeau de toi, l'Inaccessible, ragazzo de mes nuits, et c'est ma seule excuse, ma faiblesse, mon ridicule – si tant est que tu me juges coupable et sénile – j'accepte ton verdict et je m'en fous, mais une fois, une seule fois, parle-moi, apaise-moi, épargne-moi. Ta jeune grâce m'agace les nerfs… [Il montre la lucarne] … et quand je trace pour toi ces bribes de tendresse, ton souffle sur le carreau givré embue mes souvenirs et dessine l'espoir. Laisse-moi t'avouer : c'est une nuit étrange, d'exode ou de nativité, je ne sais et qu'importe ! Comme il y a très longtemps, à des années-lumière, dans ma chaste jeunesse, quand j'étouffais ma honte d'inverti sous ma piété pubère, je sens poindre ce soir une vieille ferveur, un feu qui me dévore, qui a un goût de Dieu. D'ordinaire, je me méfie, je résiste et me bats, mais cette nuit… Je viens d'entrebâiller la lucarne mesquine (j'étouffais trop dans ma carcasse glacée) : une sourde rumeur, Paris appesantie, de si haut invisible, juste une brisure de ciel. Tant mieux : l'infini nous relie. Par cette meurtrière ma pensée s'évade et ton âme féline s'y faufile. Et tout à l'intérieur, juste sous les paupières, non, bien plus profond, dans le narthex du cœur, ton icône s'incruste : je sonde ta béance, je palpe ton mystère – comme un catéchumène hagard en sa ferveur – en dévorant le ciel je sombre dans la prière :

"Sois mon aurore, ô rayonnant Désir qui fait pâlir le jour !"

Nous ne savons pas aimer, nous ne savons que nous enfoncer bouche contre bouche dans la nuit redoublée. (Luc Dietrich)

Epigraphe de la pièce


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Mot de l'auteur :
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Michel Bellin raconte :

"Fin septembre 2002, je découvre à la Galerie Zürcher à Paris, une exposition qui me bouleverse. Le nom de l’artiste : Judit Ström. A la même époque, je suis en train de jeter sur le papier les premières bribes d’un monologue qui deviendra bien plus tard un dialogue (LE DUO DES TENEBRES).Me remémorant mes conversations avec une prostituée de Clichy, j’avais imaginé une pute bouleversante de féminité, hurlant après l’impossible amour… Mon héroïne a la soixantaine bien sonnée, encore flamboyante. En fait, devant les immenses toiles de la jeune artiste suédoise, c’est MA Josy que je découvre (dans la pièce, elle s’appellera Lulu), toujours aussi exaltée et impitoyable, mais bien plus jeune, presque désirable. Quel choc ! L’acrylique me communique une intense émotion. En effet, au centre de l’expo, trône la femme fardée par des nuits et des nuits de désir. Immense et fellinienne, entre Klimt et Egon Schiele, avec quelque chose de mystique. L’auteur en exalte l’extrême féminité, la sensualité, la fragilité. En revanche, la couleur est dure, vraie, sans concessions. Paupières closes, les femmes de Ström semblent ne plus vouloir les ouvrir sur le monde. Préférant le silence au chaos de la vie et au dépit de l’amour. De cette série de portraits hard-rock, je sors exalté et pantelant avec une énergie toute neuve : je me remets furieusement à mon texte… en rêvant que mon héroïne soit un jour interprétée par la Moreau ou la Girardot ! "


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Commentaire des lecteurs :
Commentaire - 1 :

ce texte du moins cet extrait me fait frissonner en tant qu'artiste comédien(RD.Conngo)il est hors du commun dans ma ville de Lubumbashi province du KATANGA depuis longtemps je cherche à jouer un spéctacle de ce genre dans une tres bonne mise en scene.des que j'ai tout le texte je commence le boulot

Sa note : très bon

Ecrit par michel le Mercredi 11 Mars 2015.


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