LIBRE COMME UN HOMME
Par Michel Bellin le samedi 26 mars 2011, 08:21 - Lien permanent
Ce samedi matin, après avoir coupé la radio (vomitus matutinus !) et savouré ma tasse de café, j'ai lu de la poésie. Je ne sais pourquoi, ce court poème de Blaise Cendras (Complet blanc) m'a plu. Sans doute un petit air de mondialisation poétique, chaque objet rappelant que la planète bleue est minuscule, ce n'est qu'un village où l'étrange et l'étranger sont toujours bienvenus. Un peu d'air pur à l'heure où menacent l'immonde vague bleu marine et la « grosse vache » qui tient lieu de timonière. L'expression de l'Ami - outrée, certes - traduit bien notre hargne et notre dégoût communs). Retour à Cendras. Moi qui voyage si peu – de moins en moins dans les trains et les avions – j'envie presque la liberté de Frédéric Sauser, dit Blaise Cendras, cet écrivain suisse de langue française qui fut un bourlingueur infatigable, s'engagea dans la Légion étrangère et finit par perdre un bras lors de la dernière guerre. Son œuvre violente et fiévreuse illustre une de ses formules favorites : « Le seul fait d'exister est un véritable bonheur. »
COMPLET BLANC
Je me promène sur le pont dans mon complet blanc acheté à Dakar
Aux pieds j'ai mes espadrilles achetées à Villa Garcia
Je tiens à la main mon bonnet basque rapporté de Biarritz
Mes poches sont pleines de Caporal Ordinaire
De temps en temps je flaire mon étui en bois de Russie
Je fais sonner des sous dans ma poche et une livre sterling en or
J'ai mon gros mouchoir calabrais et des allumettes de cire
De ces grosses que l'on ne trouve qu'à Londres
Je suis propre lavé frotté plus que le pont
Heureux comme un roi
Riche comme un milliardaire
Libre comme un homme.
Blaise Cendras