Question préalable : pourquoi est-il plus aisé et moins coûteux de faire Paris-Dubaï via Londres avec British Airways que Paris-Gap via Valence avec la Société Nationale des Chemins de Fer français ?

Explication. L'un de mes fils handicapé ne pouvant voyager seul, je vais souvent le chercher dans les Hautes Alpes pour lui offrir un week-end parisien. Mais ce déplacement (aller-retour dans la journée) est devenu ma hantise car, une fois sur deux, notre planning déjà serré vole en éclats en raison de vicissitudes aussi innombrables que pittoresques : retards à répétition, ruptures de correspondance, pannes et avaries diverses, neige ou feuilles mortes sur les voies... Un soulagement : pas encore de sabotage de caténaire !

Démonstration. Ma récente mésaventure remonte à mercredi, veille de l'Ascension. Horaire prévu : départ de Paris à 9h 40... une heure de battement à Gap (on m'amène mon fils directement en gare)... arrivée à Paris à 21h 49. Près de 12 heures. Correct. Mais ça, c'est pour la théorie ! En pratique, voici la liste des péripéties : au départ, 20 minutes de retard (une « classe verte » ayant été regroupée dans la voiture du haut, les voyageurs sont recasés en bas, d'où confusion et retard.) À l'arrivée tardive du TGV à Valence, une voix magnanime nous annonce que la correspondance pour Briançon via Gap est assurée. Ouf ! Livron, charmante gare de campagne : notre train s'immobilise un quart d'heure (attente de correspondance). Plus loin, à Crest, même scénario. Au bout d'un moment, on nous avertit sans ménagements que nous n'irons pas plus loin : le matériel est hors-service ! Des cars vont être commandés. Irrités ou amusés, les voyageurs s'égaient dans les environs sous un soleil de plomb. Magnanime (bis), un préposé nous offre des bouteilles d'eau. Au guichet, on me confirme que je raterai mon train pour Paris mais qu'avec un peu de chance, si les cars arrivent à temps, je pourrai peut-être prendre le suivant. De nouveaux billets sont créés au cas où... Je reste confiant mais sceptique, connaissant la boutique et surtout la topographie, cette vallée du Buëch aussi pittoresque que tourmentée.

Au bout d'une heure trente, trois cars SNCF finissent par arriver, rutilants mais non équipés de toilettes. Les voyageurs sont comptés, recomptés et répartis par destinations. À l'un des arrêts, conciliabule des chauffeurs et nouveau délai (notre bus ne parvient pas à reculer dans la cour de la gare). J'enrage ! J'essaie de me décontracter avec mon baladeur mais le piccolo vivaldien trop agreste et un rien moqueur me vrille les nerfs. Bouchon à l'entrée de Gap. Je récupère mon trisocomique hilare mais pour Paris ce soir, c'est foutu ! Harassé, je décide de camper sur place lorsque... miracle ! une voyageuse charitable se propose à nous héberger pour la nuit. Alléluia ! J'accepte, bien que Barcelonnette, non desservie par la SNCF, soit à une bonne heure d'auto. Le lendemain matin, départ de Gap à 10h 40. Mais voilà qu'un quart d'heure plus tard, on nous annonce un problème technique. Tous les voyageurs sont invités à descendre à Veynes et à monter dans un autre train heureusement à quai. Pittoresque transbordement. « J'adore Paris ! » s'exclame Romain. Posément, je lui explique que nous ne sommes pas encore arrivés, peut-être ce soir... Effectivement, le TGV arrivera jeudi à l'heure (16h 32). Merci à la SNCF qui, en sauvant la face, conclut notre périple par un joyeux happy-end !

Evaluation du rapport qualité-prix. Au lieu des 12 heures prévues, près de 30 heures pour couvrir 1500 kilomètres. Prix total (compris le même trajet en fin de week-end) : 310 €, étant entendu que mon fils a un tarif jeune, moi un tarif senior plus la gratuité lorsque je l'accompagne car il a sur sa carte d'invalidité le sésame " tierce personne ". Le préposé m'a expliqué que ce coût élevé était normal en période de pointe. Il est vrai que ma question était niaise : pourquoi, lorsque les trains circulent à plein rendement, les places ne seraient-elles pas moins cher - et non l'inverse ? (En comparaison, pour Dubaï début mars, c'était 367€.) Evidemment, je ne bénéficierai pas de dédommagements pour ce périple au bout de l'enfer car seuls sont concernés les parcours grandes lignes. Ben voyons, sur les voies ferrées secondaires en France, c'est bien connu, on a tout son temps !

Conclusion en forme de clin d'œil (cerné) : sur la pochette contenant une liasse de billets, ce glorieux slogan : « FRANÇOIS-XAVIER ROTH (1) S'AMUSE DES CONTRETEMPS SAUF DANS SON PLANNING. TGV PRO : LE MEILLEUR SERVICE A VOUS RENDRE. VOTRE TRAIN S'OCCUPE DE TOUT ET VOUS ETES PLUS DYNAMIQUE, PLUS DETENDU, PLUS ORGANISE, PLUS CONFIANT ! »


1 – Qui est cet illustre inconnu ? Il paraît que c'est le chef d'orchestre français qui monte. Ah bon ? Et il accepte de vendre son image pour arrondir ses fins de mois ? Et il adore en plus prendre le train ! Mieux vaut pour lui diriger des "Variations" afin d'être sûr de ne pas en rater quelques-unes à cause de son retard.