POÈMES D’ENFANCE (11)
Par Michel Bellin le lundi 27 avril 2009, 08:53 - Lien permanent
Très souvent remontent à la surface de ma mémoire des lambeaux de poèmes… un demi vers boiteux par ci… un octosyllabe estropié par là… parfois juste quelques mots agrippés à une rime. Par exemple : « Midi, roi des étés épandu sur la plaine… » ou «…le coup dut l'effleurer à peine, aucun bruit ne l'a révélé mais la légère meurtrissure… » Ensuite, plus rien, le cerveau capitule : un grand blanc. J'enrage, j'épelle à mi-voix pour retrouver le Sésame. Toujours rien. Pas moyen de trouver la suite mais il suffirait peut-être de gratter par ci, de dépoussiérer par là… peut-être… c'est si lointain, un demi-siècle ! C'est si proche, encore si vivant en moi lorsque je ferme les yeux pour ressentir dans mon esprit embué toute cette imagerie verbale qui palpite et bat encore comme un petit cœur obstiné. Fragments d'enfance !
En ce temps-là (dans les années soixante), boule rase et blouse grise, j'étais un élève modèle dans mon petit séminaire austère. On faisait ses Humanités, comme on disait à l'époque. Le grec et le latin étaient à l'honneur, Bordas était notre Bible, un certain Calvet aussi, en moins rutilant. J'étais 1er de classe à peu près en tout (sauf en gymnastique, et dans les autres matières Gabriel et François étaient de redoutables concurrents !). Année après année, je collectionnais les billets d'honneur qui étaient roses et les livres de Prix fin juin (ils étaient ennuyeux car c'était souvent des vies de Saints). J'adorais déjà les mots, les strophes bien rythmées, les alexandrins fiers et musclés, les métaphores et les harmonies imitatives – « La foudre au Capitolin tombe ! » – et j'étais tout à mon affaire lorsqu'il s'agissait d'apprendre par cœur puis de réciter, bien droit à côté du banc, en mettant de l'expression. Comme j'étais ému et intimidé ! Pourquoi ces lambeaux de poésies ont-ils résisté à l'usure du temps… à tous les sédiments qui se sont accumulés sur ces années studieuses et en définitive heureuse ? Je ne saurais le dire.
J'ai donc décidé un jour de ratisser ma mémoire, de partir à la recherche de ces mots enchantés et de reconstituer, l'un après l'autre, le puzzle de mes poésies d'enfance, les plus belles, les plus impérissables. Surprise, surprise… Avec un moteur de recherche, ce devrait être facile, non ? Par exemple, si ce matin je tape « pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes » - à moins que ce soit sur « vos » têtes - que va-t-il se passer ? La méga mémoire d'Internet va-t-elle reconstituer sur-le-champ le texte de… de qui au juste ? Notre professeur de français nous a tellement rabâché cet exemple d'harmonie imitative que je ne me souviens plus où ces fameuses bestioles sifflaient !!!
Allez, c'est parti, ma campagne de fouilles lexicales est ouverte.
« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute…
En ce temps-là (dans les années soixante), boule rase et blouse grise, j'étais un élève modèle dans mon petit séminaire austère. On faisait ses Humanités, comme on disait à l'époque. Le grec et le latin étaient à l'honneur, Bordas était notre Bible, un certain Calvet aussi, en moins rutilant. J'étais 1er de classe à peu près en tout (sauf en gymnastique, et dans les autres matières Gabriel et François étaient de redoutables concurrents !). Année après année, je collectionnais les billets d'honneur qui étaient roses et les livres de Prix fin juin (ils étaient ennuyeux car c'était souvent des vies de Saints). J'adorais déjà les mots, les strophes bien rythmées, les alexandrins fiers et musclés, les métaphores et les harmonies imitatives – « La foudre au Capitolin tombe ! » – et j'étais tout à mon affaire lorsqu'il s'agissait d'apprendre par cœur puis de réciter, bien droit à côté du banc, en mettant de l'expression. Comme j'étais ému et intimidé ! Pourquoi ces lambeaux de poésies ont-ils résisté à l'usure du temps… à tous les sédiments qui se sont accumulés sur ces années studieuses et en définitive heureuse ? Je ne saurais le dire.
J'ai donc décidé un jour de ratisser ma mémoire, de partir à la recherche de ces mots enchantés et de reconstituer, l'un après l'autre, le puzzle de mes poésies d'enfance, les plus belles, les plus impérissables. Surprise, surprise… Avec un moteur de recherche, ce devrait être facile, non ? Par exemple, si ce matin je tape « pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes » - à moins que ce soit sur « vos » têtes - que va-t-il se passer ? La méga mémoire d'Internet va-t-elle reconstituer sur-le-champ le texte de… de qui au juste ? Notre professeur de français nous a tellement rabâché cet exemple d'harmonie imitative que je ne me souviens plus où ces fameuses bestioles sifflaient !!!
Allez, c'est parti, ma campagne de fouilles lexicales est ouverte.
« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute…
Racine (1639-1699)
Andromaque (1667)
Acte V, scène 5
(Hermione vient de se suicider sur le corps de Pyrrhus)
[Nous sommes à la fin de la pièce.]
ORESTE
Grâce aux Dieux ! Mon malheur passe mon espérance.
Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance.
Appliqué sans relâche au soin de me punir,
Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir.
Ta haine a pris plaisir à former ma misère ;
J'étois né pour servir d'exemple à ta colère,
Pour être du malheur un modèle accompli.
Hé bien ! je meurs content, et mon sort est rempli.
Où sont ces deux amants ? Pour couronner ma joie,
Dans leur sang, dans le mien il faut que je me noie ;
L'un et l'autre en mourant je les veux regarder.
Réunissons trois cœurs qui n'ont pu s'accorder.
Mais quelle épaisse nuit tout à coup m'environne ?
De quel côté sortir ? D'où vient que je frissonne ?
Quelle horreur me saisit ? Grâce au ciel, j'entrevoi.
Dieux ! quels ruisseaux de sang coulent autour de moi !
PYLADE
Ah ! Seigneur.
ORESTE
Quoi ? Pyrrhus, je te rencontre encore ?
Trouverai-je partout un rival que j'abhorre ?
Percé de tant de coups, comment t'es-tu sauvé ?
Tiens, tiens, voilà le coup que je t'ai réservé.
Mais que vois-je ? À mes yeux Hermione l'embrasse ?
Elle vient l'arracher au coup qui le menace ?
Dieux ! quels affreux regards elle jette sur moi !
Quels démons, quels serpents traîne-t-elle après soi ?
Hé bien ! filles d'enfer, vos mains sont-elles prêtes ?
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
À qui destinez-vous l'appareil qui vous suit ?
Venez-vous m'enlever dans l'éternelle nuit ?
Venez, à vos fureurs Oreste s'abandonne.
Mais non, retirez-vous, laissez faire Hermione :
L'ingrate mieux que vous saura me déchirer ;
Et je lui porte enfin mon cœur à dévorer.
PETIT COURS DE GRAMMAIRE DU JOUR :
Allitérations et assonances
Ces procédés poétiques désignent la répétition d'un même "son" dans un texte, qu'il soit versifié ou en prose. Plus précisément, il s'agit de la répétition exacte ou approximative d'un ou de plusieurs phonèmes à l'initiale des syllabes d'un même mot, au commencement ou à l'intérieur de mots voisins dans une même phrase. Lorsqu'il s'agit de consonnes, on parle d'allitération, et pour les voyelles c'est une assonance.
Ces répétitions sont destinées à produire un effet harmonique ou structurel. Le célèbre vers de Racine "Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes", issu de la pièce Andromaque, est une assonance en [s] qui produit une harmonie imitative du sifflement du serpent.