RÉVEILLON À LESBOS
Par Michel Bellin le mercredi 31 décembre 2008, 04:35 - Lien permanent
J'eus l'autre matin la surprise de lire sur mon site [Blog du 24 décembre] un commentaire de Sylvie. Toute émoustillée, elle confesse avoir passé la nuit de Noël, non pas avec “l'Imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ”, mais avec l'un de mes recueils érotiques et, à l'en croire, ses « communions privées » furent profondes et exquises.
Chaque fois que, venant d'une dame, cet aveu de jouissance m'est fait, doublé de malicieuse reconnaissance, c'est pour moi d'abord une stupéfaction puis une fervente action de grâces devant un tel hommage. Qu'un homme honore le dard impérial d'un autre mec offert à ses caresses, c'est déjà bien. Qu'une fille d'Eve imagine sous ma prose libertine le sceptre royal qui pour elle se déploie, s'approche, s'insinue, l'éperonne, la ramone et lui procure d'ineffables émois, voilà un autre prodige ! Bien sûr, rien ne vaut le réel, quoiqueue… mais la Littérature, elle, est rarement décevante : ses mollesses ou ses électrochocs, la courbe sinueuse de la phrase, la métaphore poétique, l'harmonie imitative, les rimes coquines ou les chiasmes, aussi surprenants et roboratifs que de vigoureux coups de rein… bref, notre langue française est un merveilleux aphrodisiaque.
Alors, fille et/ou garçon, dans le satin des songes et l'odorante pénombre, l'opus à la main et l'autre aventureuse, durant la dernière nuit de l'année, la plus longue et la plus froide, à deux ou à plusieurs ou seul(e), livrons-nous à la fusion torride et à la très sainte communion, sur la langue ou dans la main, qu'importe le rituel : oui, oui, je t'imagine, chérie(e), je te ressens lexicalement, à fleur de page, je te frôle ici (tandis que là-bas, par delà les Alpes, à la dernière Cour d'Europe, un saint vieillard débraguetté supplie et s'autoflagelle en triturant en vain devant le crucifix d'ivoire sa pauvre vieille relique pontificale grisonnante et chafouine) ici, dis-je, chez moi, dans ma chambrette, je te flaire entre les interlignes, à demi-mot je scrute ton acrostiche, je sonde ta syllepse. Quel style ! Et mon hypotypose, qu'en dis-tu ? Mignonne, non ? Tu oses ? Oui, oui, ami(e), hume-la à ton tour, déchiffre-moi en entier, épèle dans les marges mon désir qui se cabre, mon vertige de mâle ensyntaxé autant qu'enamouré, sens ma quintessence sous la voyelle charmeuse et déjà dénudée, et sous ta paume humide qui sculpte le désir, sous ton regard de feu, au bout de la césure, empoigne-le à fond ce gros paroxyton qu'empoisse ma présure à moins que…
… mais oui, stupeur ! délice ! vertige ! tendre connivence ! impudeur friponne ! deux amies alanguies et complices peuvent tout aussi bien s'offrir – sans attendre le phallus arrogant et si vite décevant, sitôt brandi, sitôt flapi, misère ! – s'offrir, dis-je, le septième ciel, n'est-ce pas, Jeanne et Toinon, mes jolies, mes lascives, mes belles affranchies, sublimes héroïnes de mon maître PIERRE LOUŸS !!!
Joyeux réveillon et bonne année 2009 à toutes et à tous.
Chaque fois que, venant d'une dame, cet aveu de jouissance m'est fait, doublé de malicieuse reconnaissance, c'est pour moi d'abord une stupéfaction puis une fervente action de grâces devant un tel hommage. Qu'un homme honore le dard impérial d'un autre mec offert à ses caresses, c'est déjà bien. Qu'une fille d'Eve imagine sous ma prose libertine le sceptre royal qui pour elle se déploie, s'approche, s'insinue, l'éperonne, la ramone et lui procure d'ineffables émois, voilà un autre prodige ! Bien sûr, rien ne vaut le réel, quoiqueue… mais la Littérature, elle, est rarement décevante : ses mollesses ou ses électrochocs, la courbe sinueuse de la phrase, la métaphore poétique, l'harmonie imitative, les rimes coquines ou les chiasmes, aussi surprenants et roboratifs que de vigoureux coups de rein… bref, notre langue française est un merveilleux aphrodisiaque.
Alors, fille et/ou garçon, dans le satin des songes et l'odorante pénombre, l'opus à la main et l'autre aventureuse, durant la dernière nuit de l'année, la plus longue et la plus froide, à deux ou à plusieurs ou seul(e), livrons-nous à la fusion torride et à la très sainte communion, sur la langue ou dans la main, qu'importe le rituel : oui, oui, je t'imagine, chérie(e), je te ressens lexicalement, à fleur de page, je te frôle ici (tandis que là-bas, par delà les Alpes, à la dernière Cour d'Europe, un saint vieillard débraguetté supplie et s'autoflagelle en triturant en vain devant le crucifix d'ivoire sa pauvre vieille relique pontificale grisonnante et chafouine) ici, dis-je, chez moi, dans ma chambrette, je te flaire entre les interlignes, à demi-mot je scrute ton acrostiche, je sonde ta syllepse. Quel style ! Et mon hypotypose, qu'en dis-tu ? Mignonne, non ? Tu oses ? Oui, oui, ami(e), hume-la à ton tour, déchiffre-moi en entier, épèle dans les marges mon désir qui se cabre, mon vertige de mâle ensyntaxé autant qu'enamouré, sens ma quintessence sous la voyelle charmeuse et déjà dénudée, et sous ta paume humide qui sculpte le désir, sous ton regard de feu, au bout de la césure, empoigne-le à fond ce gros paroxyton qu'empoisse ma présure à moins que…
… mais oui, stupeur ! délice ! vertige ! tendre connivence ! impudeur friponne ! deux amies alanguies et complices peuvent tout aussi bien s'offrir – sans attendre le phallus arrogant et si vite décevant, sitôt brandi, sitôt flapi, misère ! – s'offrir, dis-je, le septième ciel, n'est-ce pas, Jeanne et Toinon, mes jolies, mes lascives, mes belles affranchies, sublimes héroïnes de mon maître PIERRE LOUŸS !!!
Joyeux réveillon et bonne année 2009 à toutes et à tous.
« Toinon, Toinon mon amour, disait-elle à voix basse. As-tu assez dormi ? Es-tu bien reposée ? Veux-tu m'aimer encore ? Dis ? Veux-tu ? »
Pour toute réponse je me retournai sur le côté et je me pelotonnai dans ses quatre membres en cherchant à l'étreindre moi aussi.
Cette fois, elle était toute nue et tellement trempée de sueur des pieds à la tête, que l'odeur de sa peau brune imprégnait les draps humides et m'étourdissait de sensualité.
« Oh ! que je t'aime ! lui dis-je. Si tu savais ! »
J'avais dit ces mots avec élan si sincère qu'elle en fut remuée jusque dans sa chair :
« Ne dis pas cela, ma petite femme. Tu me fais jouir toute seule », gronda-t-elle doucement.
Comme la première fois, elle guida ma main en soulevant un peu la cuisse : je plongeai mes doigts dans un lac. Elle avait déchargé en effet.
Pour l'imiter, j'ôtai comme elle ma chemise et je me collai de plus près encore à sa peau musquée qui mouillait la mienne. Elle transpirait si abondamment que, par intervalles, de petits filets de sueur à elle ruisselaient sur ma poitrine ou le long de mes jambes. Du bout de la langue je recueillis, sur la pulpe douce de ses seins, toute une rosée légère et délicieuse. Ce fut en suivant cette caresse que je découvris les aisselles. Surprise une fois de plus par ces nouvelles touffes secrètes qui semblaient être les sources de la fauve odeur de Jeanne, je tâtai curieusement celle qui était le plus près de mon visage et j'enroulai les boucles autour de mon doigt.
Non seulement elle se laissait faire, mais elle écartait les bras pour ouvrir davantage sa coupe de parfums, toute bouffante de grands poils mouillés. Même, en me tenant serrée contre elle, elle approcha peu à peu cette tentation qui grisait mes narines, si près que je sentis sur mes lèvres l'humidité des mèches glisser, puis s'arrêter.
Et alors, d'une voix qui fut à peine un souffle, elle me dit ce petit mot : « suce. »
J'hésitais un peu ; mais le silence et l'obscurité me conseillèrent d'oser. Je donnai d'abord un coup de langue, pour goûter. C'était très fort. C'était même piquant, comme si cette eau charnelle s'était assaisonnée de sels, de vinaigres et d'aromates ; et toutefois la senteur lascive de la chair enveloppait toutes les autres et appelait la bouche. Tout ce que ma bouche put contenir de poils fut lentement sucé, léché. Rien de succulent n'y séjournait qui ne passât sur la langue et ne fût avalé, par petites gouttes capiteuses.
Mais Jeanne avait déjà d'autres ambitions. Rassurée par mon zèle sur les premières inquiétudes que mon inexpérience d'enfant avait pu lui faire éprouver, elle était pressée de prendre une à une toutes les virginités de mon petit corps impubère. Sa main glissa comme une caresse sur mon dos, contourna les fesses à peine saillantes, les pressa doucement, les ouvrit et un doigt s'appuya sur le petit trou.
Il résistait. Pour moi, afin de cacher ma honte, je redoublais d'avidité sous l'aisselle et je broutais les poils comme une petite chèvre.
Jeanne retira son doigt, le mouilla entre ses cuisses et força de nouveau la frêle ouverture, cette fois si heureusement que toute la première phalange pénétra.
« Ta bouche, me dit-elle avec une ardeur subite. Prends ma langue, ma Toinon. Ah !... »
Nos lèvres se collèrent l'une à l'autre, et à mesure que je sentais sa langue chérie s'allonger dans ma bouche encore un peu amère, je sentais s'allonger d'autant son doigt dans mes entrailles brûlantes, son doigt qu'elle crispait par instants et qui me faisait frémir de plaisir…
« Je ne te fais pas de mal ? dit-elle sur mes lèvres.
- Oh ! non ! continue ! tu es une sale, ma grande chérie, une sale, sale fille, mais je suis si contente !
- Tu m'aimes ?
- Je t'aime comme tu m'aimes. Je t'aime plus que tout.
- Alors (et sa voix devint plus grave) je vais t'épouser. Tu vas être ma petite femme chérie, mon amoureuse, ma maîtresse. Ce que je vais te faire, mon cœur, c'est comme un mariage. »
Elle m'étreignait avec tant d'empressement que je crus étouffer ; puis sans retirer son doigt mais en le faisant tourner un peu dans son étroit petit fourreau, elle me fit coucher sur le dos, se mit à genoux à ma droite, tout près de mon épaule, caressa légèrement mon ventre, ouvrit ma petite fente en écartant mes jambes et, tout à coup, une langue vibrante et raide s'abattit sur le point le plus sensible de mon être.
Eperdue de bonheur, je battis l'air de mes bras dans l'obscurité, pour étreindre Jeanne par quelque endroit. Sa cuisse gauche était toute dressée près de moi ; je l'embrassai follement d'une main, et de l'autre, je pris comme un ballon d'enfant le sein que je sentais battre sur mon ventre. Je pensais bien à lui rendre la joie qu'elle me faisait, mais je ne savais pas comment m'y prendre, et d'ailleurs j'étais trop égarée pour faire autre chose sur le lit que de haleter en me tordant.
« Oh ! Jeanne, Jeanne ! lui dis-je presque haut. Mais cela recommence ! Je sens… je sens encore… comme hier… oh ! ma Jeanne !... »
La langue précipita son tremblement en appuyant cette fois très fort, et le doigt, avec précaution, se poussait et se tirait tour à tour dans mon derrière.
« Tiens… tiens… oh ! encore… oh ! je suis morte… finis, je n'en peux plus… Jeanne… tout est venu… tout. »
Elle le savait bien, et le peu de crème mousseuse qui déborda de ma virginité fut savouré par elle en trois coups de langue…Je retombai sans force, la bouche entrouverte, les bras sur le lit.
Alors, dans un état d'excitation presque effrayant, elle étala tout son corps sur moi. Son doigt qui finissait par m'irriter jusqu'à une douleur cuisante continuait à fouiller ma petite croupe si tendre. Elle glissa sa seconde main sous mon autre fesse, tout près de la première et soulevant les deux à la fois, elle appuya de tous ses poils sur ma chair sensible et gonflée.« Jeanne… tu me tueras, » soupirai-je.
Mais elle ne m'entendait plus. Elle se frottait à moi avec une ardeur infatigable. Instinctivement, je levai mes cuisses écartées, les genoux en l'air et les pieds vacillants. Elle m'inondait de tout son ventre.
Combien de temps cela dura-t-il ? Je ne sais plus. Plus d'une heure, sans doute. Elle ne s'arrêta enfin qu'après avoir joui deux fois de suite, et au moment où moi-même, pauvre petite fille que j'étais, pour la troisième fois je venais de défaillir.
Pierre Louÿs, Toinon (extrait) in Récits et contes, L'œuvre érotique complète, Sortilèges, 1994.
Toinon, Conte inédit. S.1. [Reims], s.e. [À l'Ecart], 1991.