L’ASSOURDISSANT SILENCE DE « DIEU »
Par Michel Bellin le mardi 4 novembre 2008, 04:45 - Lien permanent
La foi chrétienne ne m'a pas quitté brusquement. Je dirai qu'elle s'est désagrégée, comme un vieux vêtement qui tombe en poussière… Après avoir quitté le sacerdoce, après la paroisse rurale (j'étais responsable de la chorale en tant que « laïc »), après ma participation active à un Synode en 1992, puis un espoir insensé (le « oui » anglican à l'ordination des femmes), après quelques petits groupes, puis pour finir un seul… puis le malaise de se sentir étrange, de plus en plus étranger ; celui que les bons chrétiens sympas veulent à tout prix consoler sans parvenir à le comprendre. Comme si l'incroyance – puis l'athéisme – restait une coquetterie, une manière de se faire (encore) remarquer alors que le tréfonds de l'âme est complètement nécrosé.
Sale période quand, en plus, le couple (hétéro) va mal et qu'on en sent en soi une autre fausseté, une faille, un terrible secret...
Sale période quand, en plus, le couple (hétéro) va mal et qu'on en sent en soi une autre fausseté, une faille, un terrible secret...
Tard dans la nuit,
j'ai quitté le groupe d'amis.
Nous nous disons tous « en recherche »,
mais eux sont dans le camp des croyants,
moi je porte le deuil de « Dieu ».
J'ai tenté de leur dire à la fin de la rencontre…
Que je me sentais l'Iroquois, le provocateur de service, l'empêcheur de croire en rond…
Ils ont protesté, m'ont consolé
disant qu'ils n'étaient que de pauvres apprentis croyants.
Mais ils n'ont pas compris ma différence,
la fracture intime,
quand « Dieu » devient l'hypothèse inutile alors que, sans cesse,
par atavisme stupide ou poisseuse nostalgie,
sans trêve ni repos, je m'égosille après lui comme la Cananéenne mécréante.
Dites, amis chanceux, peut-on mourir d'un sida de l'âme
quand, l'une après l'autre, toutes les défenses ont cédé :
d'abord l'Institution pétrifiée
puis les rites moutonniers
puis les mots usés comme des mégots
et jusqu'au réflexe obscène de la prière
et enfin ce silence
un tel silence…
Son mutisme
Mon désespoir.
Texte paru dans le Journal LA CROIX (« Les cris de la vie ») du 25 juin 1993
Ce texte est extrait d'un cahier spécial qui vient de sortir. En effet, Les Cahiers Michel Servet, publiés par la Correspondance unitarienne, en sont à leur n° 11 (octobre 2008) : un texte très sensible de l'écrivain Michel Bellin. Il y évoque, par l'intermédiaire des héros de ses nombreux romans, son propre itinéraire spirituel.
Au risque de me perdre ; la foi (de retour ?) pour un ancien prêtre qui, désormais, assume son homosexualité 1967-2008, par Michel Bellin, écrivain (Itinéraires spirituels tome II), dessins à l'encre de l'auteur, avant propos de Jean-Claude Barbier, secrétaire général de l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU) "Christianisme et homosexualité : les Eglises au risque de se perdre ... " ; Cahiers Michel Servet n° 11, 24 p. en A4 + couverture en couleurs.
Prix : 5 euros (chèque émis en France, billets en euros ou timbres en tarif économique) à envoyer à :
Jean-Claude Barbier, Résidence "Les Saules, bât. C1, avenue du Maréchal Juin, 33170 Gradignan.