d'un tel ils veulent une part de la splendeur et du reflet de sa vertu, de tel autre l'aspect effrayant de certaines particularités inquiétantes que chacun lui connaît, tandis qu'ils se feront les plagiaires d'un troisième qui passe pour être oisif, et pour se prélasser au soleil, parce qu'il convient à leurs propres intérêts de passer de temps en temps pour inattentif et paresseux : - ce qui leur permet de cacher qu'ils sont aux aguets ; tantôt ils ont besoin du fantasque auprès d'eux, tantôt du connaisseur, tantôt du chercheur inquiet, tantôt du pédant, pour ainsi dire comme de la présence de leur propre moi, mais il arrive aussi qu'ils se passent parfaitement d'eux ! Et ainsi leur entourage et leurs aspects extérieurs meurent sans cesse, tandis que tout semble se presser vers cet entourage et tend à devenir leur "caractère" ; en quoi ils ressemblent aux grandes métropoles. Leur réputation autant que leur caractère sont en perpétuelle métamorphose, car leurs moyens variables exigent ces variations et exhibent telle ou telle qualité réelle ou fictive pour les faire entrer en scène : leurs amis et leurs alliés contribuent, comme je l'ai dit, à ces qualités scéniques. En revanche, il faut que ce qu'ils veulent subsiste d'autant plus ferme, d'une fermeté de bronze, et d'un éclat durable - et cela nécessite aussi par moment des comédies et des jeux scéniques.

Nietzsche, Le gai savoir, n°30, Christian Bourgois éditeur, coll.10/18, 1973