POÈMES D’ENFANCE (1)
Par Michel Bellin le lundi 9 juillet 2007, 09:51 - Lien permanent
Très souvent remontent à la surface de ma mémoire des lambeaux de poèmes… un demi vers boiteux par ci… un octosyllabe estropié par là… parfois juste quelques mots agrippés à une rime. Par exemple : « Midi, roi des étés épandu sur la plaine… » ou «…le coup dut l'effleurer à peine, aucun bruit ne l'a révélé mais la légère meurtrissure… » Ensuite, plus rien, le cerveau capitule : un grand blanc. J'enrage, j'épelle à mi-voix pour retrouver le Sésame. Toujours rien. Pas moyen de trouver la suite mais il suffirait peut-être de gratter par ci, de dépoussiérer par là… peut-être… c'est si lointain, un demi-siècle ! C'est si proche, encore si vivant en moi lorsque je ferme les yeux pour ressentir dans mon esprit embué toute cette imagerie verbale qui palpite et bat encore comme un petit cœur obstiné. Fragments d'enfance !
En ce temps-là (dans les années cinquante soixante), boule rase et blouse grise, j'étais un élève modèle dans mon petit séminaire austère. On faisait ses Humanités, comme on disait à l'époque. Le grec et le latin étaient à l'honneur, Bordas était notre Bible, un certain Calvet peut-être aussi, en moins rutilant. J'étais 1er de classe à peu près en tout (sauf en gymnastique), année après année, collectionnant les billets d'honneur qui étaient roses et les livres de Prix fin juin (ils étaient ennuyeux car c'était souvent des vies de Saints). J'adorais déjà les mots, les strophes bien rythmées, les alexandrins fiers et musclés, les métaphores et les harmonies imitatives – « La foudre au Capitolin tombe ! » – et j'étais tout à mon affaire lorsqu'il s'agissait d'apprendre par cœur puis de réciter, bien droit à côté du banc, en mettant de l'expression. Comme j'étais ému et intimidé ! Pourquoi ces lambeaux de poésies ont-ils résisté à l'usure du temps… à tous les sédiments qui se sont accumulés sur ces années studieuses et en définitive heureuse ? Je ne saurais le dire.
J'ai décidé en cet été 2007 (l'année de mes 60 ans) de ratisser ma mémoire, de partir à la recherche de ces mots enchantés et de reconstituer, l'un après l'autre, le puzzle de mes poésies d'enfance, les plus belles, les plus impérissables. Surprise, surprise… Avec un moteur de recherche, ce devrait être facile, non ? Par exemple, si je tape « vase » et « verveine », que va-t-il se passer ? La méga mémoire d'Internet va-t-elle reconstituer sur-le-champ le poème de… de qui au juste ? Heredia ou Leconte de Lisle ? Allez, c'est parti, ma campagne de fouilles lexicales est ouverte.« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute…
En ce temps-là (dans les années cinquante soixante), boule rase et blouse grise, j'étais un élève modèle dans mon petit séminaire austère. On faisait ses Humanités, comme on disait à l'époque. Le grec et le latin étaient à l'honneur, Bordas était notre Bible, un certain Calvet peut-être aussi, en moins rutilant. J'étais 1er de classe à peu près en tout (sauf en gymnastique), année après année, collectionnant les billets d'honneur qui étaient roses et les livres de Prix fin juin (ils étaient ennuyeux car c'était souvent des vies de Saints). J'adorais déjà les mots, les strophes bien rythmées, les alexandrins fiers et musclés, les métaphores et les harmonies imitatives – « La foudre au Capitolin tombe ! » – et j'étais tout à mon affaire lorsqu'il s'agissait d'apprendre par cœur puis de réciter, bien droit à côté du banc, en mettant de l'expression. Comme j'étais ému et intimidé ! Pourquoi ces lambeaux de poésies ont-ils résisté à l'usure du temps… à tous les sédiments qui se sont accumulés sur ces années studieuses et en définitive heureuse ? Je ne saurais le dire.
J'ai décidé en cet été 2007 (l'année de mes 60 ans) de ratisser ma mémoire, de partir à la recherche de ces mots enchantés et de reconstituer, l'un après l'autre, le puzzle de mes poésies d'enfance, les plus belles, les plus impérissables. Surprise, surprise… Avec un moteur de recherche, ce devrait être facile, non ? Par exemple, si je tape « vase » et « verveine », que va-t-il se passer ? La méga mémoire d'Internet va-t-elle reconstituer sur-le-champ le poème de… de qui au juste ? Heredia ou Leconte de Lisle ? Allez, c'est parti, ma campagne de fouilles lexicales est ouverte.« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute…
LE VASE BRISÉ
Le vase où meurt cette verveine
D'un coup d'éventail fut fêlé ;
Le coup dut l'effleurer à peine.
Aucun bruit ne l'a révélé.
Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D'une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.
Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s'est épuisé ;
Personne encore ne s'en doute.
N'y touchez pas, il est brisé.
Souvent aussi la main qu'on aime,
Effleurant le cœur, le meurtrit ;
Puis le cœur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;
Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde.
Il est brisé, n'y touchez pas.
Zut ! Foutue mémoire... C'était SULLY PRUDHOMME !!! Merci Google !
Le vase où meurt cette verveine
D'un coup d'éventail fut fêlé ;
Le coup dut l'effleurer à peine.
Aucun bruit ne l'a révélé.
Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D'une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.
Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s'est épuisé ;
Personne encore ne s'en doute.
N'y touchez pas, il est brisé.
Souvent aussi la main qu'on aime,
Effleurant le cœur, le meurtrit ;
Puis le cœur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;
Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde.
Il est brisé, n'y touchez pas.
Zut ! Foutue mémoire... C'était SULLY PRUDHOMME !!! Merci Google !