(C'est là peut-être que j'ai le plus gros aveu.) Je crois que je suis hétéro complètement mais pourtant je crois que je suis pas complètement normal. En effet, je trouve que les vagins c'est pas très beau en fait. Moi j'avoue, c'est pas ce qui m'attire le plus dans les femmes (même si franchement, une femme sans vagin, ça serait pas terrible non plus). Pour exprimer ça au plus juste ce dont je parle, il faudrait dire plutôt vulve. Mais je trouve que le mot vagin en impose plus alors c'est celui-là que je prends. Même si ça fait glisser le sens un peu.
En fait des vagins on en voit jamais, alors quand on en voit un on reste assez surpris. La forme est assez étrange et en plus cachée par beaucoup de poils. Les poils cachent beaucoup tout mais épilé, ça peut être plus glauque. Traditionnellement les femmes aiment les parfums et les fourrures.Et comme si c'était pas assez, il y a les pertes blanches et le sang qui coule par là tous les mois, ce qui est quand même aussi quelque chose qui joue sur le mental veux veux pas. Alors tout ça pour dire que le cunnilingus est pas la première idée que j'ai sexuellement habituellement. Pourtant je suis statistiquement hétéro.
Elle se plaignait un peu que je la suçais pas et que je la touchais pas là. Je faisais juste mettre ma bite dedans. J'aimais toucher lécher ses seins qui étaient très beaux mais sa fente franchement j'y pensais très légèrement. J'avais touché pour voir mais j'osais pas regarder, je croyais que ça se faisait pas. Je touchais comme une canne blanche et puis en plus j'avais mon gros réflexe, tout de suite mettre ma bite mettre ma bite.
Karen était vierge quand je l'ai connue. On a attendu deux mois avant de coucher. En fait c'est plus moi qui attendais et j'attendais qu'elle dise oui. J'avais quinze et elle seize.
Karen était ma deuxième fille ma deuxième vierge. Karen était une très belle vierge mais vraiment les vierges sont à déconseiller. Je vois pas pourquoi ils font tant de frais avec ça en Chine et autre. Jouir avec une vierge est un exploit. En plus il faut les prendre avec beaucoup de pincettes et du tact et de la patience. Il est très difficile de leur faire comprendre que ce qu'on veut leur faire et qui est réputé leur faire du mal va finalement leur faire du bien. J'avais dit à Karen que les vierges je connaissais ça il y avait pas de problème. Ça s'était passé chez moi il y avait personne. J'essayais de rentrer mais elle me repoussait les hanches. Elle me disait que je pouvais y aller mais au moment où elle faisait tout pour pas que j'y aille. Il aurait fallu la lubrifier la préparer et tout mais je savais rien. Et puis à un moment j'ai dit que j'arrêtais, ça l'a déstressée et alors j'ai foncé un grand coup. C'était pas le plus honnête mais sinon on y serait encore. Effectivement elle a eu mal et puis elle a saigné. Il y avait cette grosse tache rouge sur les draps du lit de ma mère. On avait un embarras. On les a lavés frottés lavés frottés. Mais encore la grosse tache. Karen fixait là-dessus complètement. Et puis j'ai eu cette idée brillante d'y foutre le feu sur le balcon. On était jeune, le plus grave était souvent moins grave que le moins grave. Et puis ça lui a changé ses idées.
Karen a pris goût à pénétrer seulement à la cinquième fois. A partir de cette fois, on baisait ici on baisait là. Tout le temps partout. J'étais jeune elle était jeune. Je la secouais beaucoup et souvent. Honnêtement, je sais pas si elle jouissait, mais elle hurlait beaucoup. On faisait ça tous les jours une fois et une autre fois. Au début on le faisait pas pendant ses règles pour la raison que c'est dégoûtant. En fait, ses règles ça gênait beaucoup Karen. Et moi je voulais pas qu'elle pense que j'étais pas gêné par quelque chose de gênant alors je disais que oui ça me gênait. Et puis plus tard, six mois, on avait trouvé le truc où elle se passait un gant de toilette et voilà. Ca servait à rien mais on faisait comme si. Et puis sinon attendre cinq six jours c'était trop long et on savait pas quoi faire en attendant. J'avais bien cette idée pour une pipe pas méchante mais je savais que ça passerait pas pour la raison mentionnée déjà.
Toujours cette histoire de sucer ça me revenait. En plus on s'excitait plus ou moins toujours pareil. Moi qui étais éjaculateur précoce au début, je devenais de plus en plus normal et même pire. Heureusement j'étais en forme sportif et j'arrivais à bouger très vite mais des fois je sentais bien qu'il m'aurait fallu du nouveau pour m'exciter ma tête. Donc c'était un peu un marché entre nous cette histoire de 69 qui tout d'un coup était prévu.Un jour, on va le faire demain c'est dit. En fait on sait pas du tout que ça s'appelle comme ça le 69, on est pas renseigné dans le sujet. Ce qui est convenu c'est qu'elle va me sucer et que je vais la sucer et qu'on va le faire en même temps. Pour nous c'est une façon moins cochonne et plus facile que chacun son tour à sucer.
Beaucoup de gens croient que le 69 est quelque chose de très hot. En réalité ni l'un ni l'autre on peut vraiment profiter de se faire sucer quand on fait ça. Se faire sucer c'est surtout bien quand on voit l'autre et qu'on peut se concentrer et se laisser faire. En 69 non seulement tout ce qu'on voit est un sexe à l'envers (ce qui fait de la confusion) mais en plus il faut faire le boulot à l'autre on peut pas profiter.
Alors on est là ce jour, sur le lit. Karen est couchée sur le côté. On a pris notre décision mais c'est difficile de se lancer. Je voudrais lui dire à GO on y va mais ça me gêne trop. Je voudrais lui expliquer genre fais ci fais ça mais mon projet est seulement de la théorie. Je me mets un peu à genoux vers sa tête pour mettre ma partie à la portée et je me penche vers la sienne en espérant qu'elle comprendra. Je me retrouve là dans sa partie de jambes à l'envers. Karen tire ma bite dans sa bouche avec sa main. Je sens ça. Il faut que j'y aille, c'est le marché. Je sais pas du tout où comment. Je sors la langue je crois que ça au moins c'est important. Je mets ma langue là. J'hésite lécher ou rentrer. J'essaie les deux. Il me semble que j'arrive à rien. Je crois que je fais n'importe quoi. Alors je rajoute mon plus gros doigt. J'essaie le plus possible de voir ma bite dans la bouche. C'est ma grosse préoccupation je suis complètement perturbé je pense qu'à ça. C'est une époque disons-le, je pense qu'à moi surtout.
Je vois un peu avec l'œil droit si je fais le contorsionniste mais le désir de voir ça est trop fort pour juste un œil. Je me relève en l'occupant et en rajoutant un autre doigt. Quand je vois ça le spectacle que jamais j'ai vu, j'oublie son bas à elle. J'oublie mes doigts qui restent là. Ma bite est dans sa bouche, ça monte à ma tête totalement. Alors tout le circuit de jouir commence je crois.Ce qui était prévu était de prévenir. Mais à ce moment je sais pas pourquoi je pense pu du tout à ce qui était prévu. Karen sent ce qui arrive là dans sa bouche et tout change, ça va pu. Elle tousse étouffe. Elle attend pas la fin. Ma partie sort et moi je continue à faire ce que je faisais sans faire exprès je jure c'est lancé. Elle a un peu qui coule sur la bouche et le nez. Mais elle se formalise beaucoup. Elle se lève crache. Quand elle revient elle m'engueule et me demande pourquoi j'ai pas fait le convenu.
J'avais quinze ans elle seize. Disons qu'on a jamais tenté le soixante-dix.


Alain TURGEON, Préambule à une déclaration mondiale de guerre à l'ordre,
Ed. La fosse aux ours, 2002

J'adore ce bouquin (que mon pote m'a offert au salon du livre de Romans). Je l'ai relu au moins dix fois, parfois juste certains passages : je me marre pour ne pas chialer, comme l'écrivait Flaubert - en termes plus châtrés - à Louise Colet le 22 juillet 1852.
Alain est un de mes auteurs contemporains préférés (même si j'avoue avoir été un peu déçu par son dernier opus Tu moi .) Un must : ses thèmes favoris (en gros, la connerie de la vie moderne), son œil acéré, tendre en même temps, sa langue bien pendue, son érotisme (hététo) décomplexé visant sans cesse à démêler la pudeur de la pudibonderie, son art de l'écriture, cette drôle de phrase qui claudique – étant entendu qu'il faut plus de talent pour estropier stylistiquement la langue que pour pondre un pensum grandiloquent et précieux.
J'allais oublier : le joyeux désespoir « abyssal, voire abipropre » de ce Canadien exilé à Lyon me ravit. Bref, Alain est mon frangin !