J’entendais ce matin sur France Musique un artiste déclarer, d’une voix suave : « J’assume ma queeritude ! » Grand bien lui fasse si ça rime pour lui avec béatitude. Moi, j'entends désormais "servitude". Car trente ans après un coming-out tardif aussi tonitruant qu’évitable, je me dis et je déclare urbi et orbi : « Je ne suis plus “homosexuel”. Ouf ! À 76 ans, il était temps, non ? » Je ne suis qu’un être humain, sans label ni pedigree. Conservant son mystère et s’essayant à rester libre. Suffisamment libre pour prétendre devenir universel. En effet, pourquoi être catalogué, indument chosifié et assigné à identité ? Au XIXe siècle, c’était la nouvelle manie dite scientifique de mesurer, de classer, d’étiqueter, de désigner, que ce soit à propos de la « race » ou du « juif » ou du « mongolien » ou de « l’inverti ». Eh bien, non ! Nous vivons au XXIe siècle. Je ne « suis » ni ceci, ni cela — même si j’assume secrètement mes préférences érotiques. Je n’appartiens à aucune communauté autoproclamée spécialisée en droits plus qu’en devoirs et experte en jérémiades et en victimisation quand ce n'est pas dans de douteuses exhibitions ! Je ne défends aucune culture particulière, aucun particularisme autoproclamé, je n’appartiens désormais à aucune tribu ni à aucune chapelle. Ni obsession ontologique ni prurit revanchard. Je l’avais déjà crié il y a une quinzaine d’années dans "Le Monde", article paru le jour même de la Grey pride parisienne. Je persiste est signe, car je n’appartiens ni au genre girouette ni à la sous-espèce des mauviettes ! Je suis moi, un tout petit moi, un minuscule et attendrissant et ridicule homoncule délesté de toute gloriole, de tout oripeau et de tout drapeau, si ce n’est, collant à ma vieille peau et me tenant à cœur, ce credo libertaire et absolument non genré : « EGO CONFIDO IN ME SOLUM. »

https://www.lemonde.fr/idees/article/2007/06/29/bannieres-et-ostensoirs-par-michel-bellin_929606_3232.html