Voici l’heure de vérité. L’heure du bilan. A 76 ans, il était temps. Bilan personnel et bilan littéraire. Indissociablement car ils se confondent depuis trop longtemps selon ma dangereuse devise : « Écrire ma vie, vivre mon écriture. ». De quoi s’agit-il ?

D’abord d’un constat qui m’a longtemps tenu éveillé cette nuit : j’aurai passé les trois quarts de ma vie (et, si je n’y prends pas garde, le restant !), à me justifier à mes propres yeux et en prenant à témoin la terre entière (qui n’en a rien à faire). Me justifier de quoi ? De m’être laissé ensoutané dès l'enfance et à mon cœur défendant pour trop vite défroquer. Tel est le gène de ma terrible maladie orpheline. Dès lors, a grossi en moi la tumeur de mon dépit et de ma mauvaise conscience. Dès lors, mon écriture, de 1996 jusqu’à ce jour, en a été infiltrée et intoxiquée. Dès lors, ma carrière d’auteur potentiel en fut sabotée et sabordée. Comme dit plaisamment le vrai faux Maxime dans mon dernier opuscule paru hier : « Incroyable, non ? Ça pue quelque part dans un petit séminaire haut-savoyard et le destin d’un Prix Nobel de Littérature dérape ! » Il exagère évidemment mais il voit juste. Donc, aujourd’hui, je dis : STOP. Il est grand temps de mettre un terme à cette dérive absurde ; il est urgent de stopper l’hémorragie interne. Et aux grands maux, les grands remèdes.

J’écris ces lignes lucides le lendemain de la parution de mon livre-bilan qui sera évidemment le dernier. À la fois préface et postface de mon œuvre pléthorique (1996-2023) et dangereusement autocentrée. Ce n’est pas un hasard s’il s’intitule « MES AUTOEDITIONS. — SPLENDEURS ET MISÈRES D’UN AUTEUR-LOSER » (Éditions du Net, parution le vendredi 13 octobre 2023). Jour de chance ou jour de poisse ? L’avenir le dira. En tout cas, une étape décisive autant que jubilatoire !

Une étape parmi d’autres. Donc, de la cohérence ; pas de caprice de vieille star. C’est ainsi que cet été, après un an et demi de combat intérieur et de négociations serrées, j’ai enfin pu conclure un armistice avec l’institution catholique, grâce à l’INIRR (Instance Nationale Indépendante de Reconnaissance et de Réparation). Ainsi, depuis le 4 juillet dernier, date officielle de la décision de cette instance, me voilà reconnu, quasiment labellisé « victime indemnisée et reconnue de la pédocriminalité ecclésiastique ». Ça en jette, non ? Dans mon avant-dernier livre « FLIP-FLOP » – outre l’opportunité d’évacuer une dernière fois mes toxines par l’expression de mon viscéral athéisme– j’ai narré, étape après étape, statistiques et graphiques à l’appui, ce long parcours qui a abouti, par ricochet, à l’indemnisation-réparation financière de mes quatre enfants, suite à ma période d’éloignement et de négligence, contrecoup d’un tonitruant et inutile coming-out ! Sur ce sujet aussi, il est temps que mes yeux s’ouvrent sur les pièges du microcosme arc-en-ciel, périgourdin ou parisien, qui ne jure que par ses droits, jamais par ses devoirs. Là aussi, basta ! Halte à l'idéologie, au communautarisme et à la victimisation.

Toujours dans cette même dynamique d’épuration salutaire, je viens de désactiver sur mon Smartphone l’appli LA CROIX qui, nolens volens, me harcelait plusieurs fois par jour par trop de vertu, trop de bondieuseries, trop de superstitions, trop de pédocriminalité, trop de belles phrases aussi pompeuses que creuses. Ouf ! De l’air. Du profane. Du réel. Et dans le même mouvement, histoire de canaliser mon anticléricalisme et de mener un juste combat avec d’autres, j’ai pris contact avec le groupe Alfred Zeller (Libre Pensée) de Dordogne. Une autre manière de sortir de mon isolement et d’évacuer, s’il se peut, mon narcissisme improductif.

Je ne pense pas m’arrêter en si bon chemin. Car la seule voie, c’est d’aller de l’avant, armé de lucidité mais sans perdre une once de générosité. Et d’abord la clairvoyance. Quand, chaque matin, depuis quinze jours, je scrute dans mon miroir la balafre sur ma joue droite (suite à l’extraction d’un carcinome) qui peu à peu s’atténue et guérit, voire embellit à coups de patience et de soins (merci à mes infirmières si dévouées !), je me dis qu’il est temps que mon âme également cicatrise et rajeunisse. Contre le cancer de la religion si profondément induré en elle, contre les innombrables métastases de culpabilité et de colère, un traitement de choc s’imposait. Avec force, détermination mais aussi douceur. En effet, quelle sera la vaseline idoine pour ma guérison de l’âme et une cicatrice aussi élégante que discrète ? L’onguent est tout trouvé : l’Amitié.

Ainsi couturé, ainsi paré et armé, il me reste à avancer. D’autres choix se préciseront pour une convalescence programmée. Désormais loin du clavier et de ma ramette de papier ; loin de mon écran confetti catholique autant que cathodique ; loin de ma chancelante pile de bouquins que j’ai décidé de transformer en glorieux cénotaphe, eh bien, ma vie se fait légère, presque insouciante, en tout cas plus authentique. Je respire ! Je redeviens « moi ». Je me sens libre. Désaliéné. Dégrisé. Apaisé. Triomphant de mes vieux fantômes noirs. Et pourfendeur de toute vanité, qu’elle soit littéraire ou non. Avec un appétit décuplé : vive l’avenir !

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Écrit à Périgueux, le 14 octobre 2023, au retour du marché devant la cathédrale, où j’ai pu mettre en pratique ma devise fétiche : « Rester en vie, c’est traquer et troquer de beaux instants qui meurent. » Bon appétit !