Comment vit-on sans Dieu ni religion ? Plutôt mieux. « On », pronom indéfini mal élevé, disait feu ma belle-mère ! Je reprends : comment est-ce que je vis désormais sans religion ? Réponse identique voire renforcée : infiniment bien, infiniment mieux. Et j’englobe la foi dans la religion. La foi, quelle qu’elle soit. La foi en un ou plusieurs dieux, quels qu’ils soient.

J’ai pourtant été formaté dès la toute petite enfance, quasiment prédestiné. Avec une quinzaine d’années passées sur le tapis de la chaîne de montage clérical. Sans doute il a fallu toutes ces années d’asservissement doucereux et sournois pour que je savoure aujourd’hui – il était temps ! – ce sentiment d’allègement, de dégrisement, de déssillement, en un mot une immense sensation d’étourdissante Liberté. Et ce sentiment, fait de soulagement et d’orgueil, cette sensation d’échapper enfin une bonne fois pour toutes à une sorte d’abêtissement universel. Même si je me sens minoritaire. Mais plus déterminé et plus lucide que jamais. Jamais plus accro au Dieu escroc !

Car, il ne faut pas se mentir, toute religion est source de tracas, d’interdits, d’endoctrinement, d’embrigadement de moralisation forcée, surtout de mystification effrontée. Sans parler des croisades et des massacres à répétition ! Par ailleurs, à supposer qu’il existe, « Dieu » ne sort jamais indemne ni grandi de tous les systèmes religieux. Bien au contraire. En fait, depuis des temps immémoriaux, les religions enquiquinent l’homme, quand elles ne le maltraitent pas. Eh bien, puisque croire – en Dieu le Père, en Krishna ou en Allah – est aussi vaseux qu’oiseux, puisque la foi, labellisée ou non, est cette semelle inusable pour qui n’avance pas (H. Michaux), il vaut mieux, plutôt que de faire du sur place, sauter, bondir, danser pieds nus, voire nu tout court ! Ce que je fais désormais, au physique comme au mental et au moral.

Enfin désaliénée, démoralisée, désidéologisée, ma propre vie devient alors tellement légère, parce qu’allégée et désenclavée ! Et du coup infiniment précieuse parce qu’impalpable, ne relevant que d’elle-même, ni aliénée ni téléguidée, si légère et précieuse qu’elle en devient urgente : savourer chaque instant qui passe. Carpe diem (et noctem !). Acquiescer au seul Présent. Et envoyer paître tous les ayatollahs ! Rire en douce de toutes les prétendues révélations avec Salut à la clé et Paradis en cadeau Bonux ! Oui, mon paradis, c’est aujourd’hui – les autres pouvant être effectivement un enfer. Mais j’ai la chance d’échapper à cet enfer-là, ne croyant et n’expérimentant que mon propre paradis, la petite île paradisiaque où je me suis retiré, îlot individuel et subjectif dans un océan de bondieuseries et de canulars planétaires.

Mais Lui, que fait-il ? Le grand Esprit. Le grand Manitou. Le grand Mamamouchi. Oui, que fait-il ? Celui que les ¾ des bipèdes, pour ne pas dire les 4/5, continuent d’appeler pompeusement « Dieu », que fait-il ? Que manigance-t-il ? Qui menace-t-il ? Personne. Nada. Absolument rien. Insensible aux encens et aux prières, réfractaire à toutes les apologétiques, condamné de toute éternité à se taire, pendant tout ce temps, il ne fait rien. Absolument rien. Mais pourquoi ? Tout bonnement parce qu’il n’existe pas ! C’est là sa seule excuse. Disons que, faute de preuves, il se tait, il se planque, il n’en peut mais ! Depuis belle lurette, il a fait pschitt. Mais personne ne s’avise de l’admettre. Les belles âmes ont tellement peur de crever. Et tous les religieux tellement soucieux d’emplir leur cahier des charges et leur coffre-fort ! Passons. Et que tous, ils trépassent ! Mais moi, et moi et moi, pourquoi serais-je jusqu’à la fin de mes jours le dévot ou l’esclave (souvent les deux vont ensemble) d’un ectoplasme cosmique ? Et comique. Un énorme pet cosmique ! Car il n’y a pas de miracle et patente est la tromperie. Ou plutôt si, comme le notait ce petit malin de Jean Genet : « Le miracle eut lieu : il n’y eut pas de miracle. Dieu s’était dégonflé. Dieu était creux. Seulement un trou avec n’importe quoi autour. » (in Notre-Dame des Fleurs).

Un trou et du grand vide tout autour, cela est bien peu, bien trop peu, bien trop creux pour remplir la moindre parcelle de vie. En tout cas, plus jamais la mienne : hors de l’athéisme, nul Salut ! Et infiniment plus de bien-être.

VERSION AUDIO : https://youtu.be/bpNTxipEdXE