DIEU, DÉBAUCHE D’AMOUR

C’était dans la nuit du 6 au 7 janvier. Je lisais un ouvrage passionnant et dérangeant d’Octave Mirbeau « L’abbé Jules ». Pas si bizarre que ça de la part d’un auteur qui, en début d’année, fit paraître son autobiographie déjantée et morcelée « Quelques amours de l’abbé Julius ». Qui se ressemble s’assemble. Bref, je tombe sur un passage inouï. Je le relis et bondis pour écrire ce passage de feu. Et pour aussi me livrer céans à une très artisanale séance d’enregistrement. Car l’auteur de ce blog est ainsi : passionné ! Battre le fer tant qu’il est chaud… avant que la camarde ne nous fauche !

Voici le texte et, en complément infra, la suite des réjouissances.

Dans ce passage, au chapitre IV du roman, l’abbé s’adresse à son jeune neveu dont il assume une éducation absolument aberrante, je veux dire dans la configuration rousseauiste.

« (..) Nous qui ne sommes pas des bêtes, par malheur, nous faisons l’amour autrement… Au lieu de conserver à l’amour le caractère qu’il doit avoir dans la nature, le caractère d’un acte régulier, tranquille et noble… le caractère d’une fonction organique, enfin… nous y avons introduit le rêve ; le rêve a apporté l’inassouvi ; et l’inassouvi, la débauche. Car la débauche, ce n’est pas autre chose que la déformation de l’amour naturel, par idéal…

Les religions — la religion catholique surtout —se sont faites les grandes entremetteuses de l’Amour. Sous prétexte d’en adoucir le côté brutal, qui est le seul héroïque, elles en ont développé le côté pervers et malsain par la sensualité des musiques et des parfums, par le mysticisme des prières et l’onanisme moral des adorations… comprends-tu, petit ?

Autrefois, j’ai cru à l’amour, j’ai cru à Dieu. J’y crois encore souvent, car de ce poison on ne guérit pas complètement. Dans les églises, au jour des fêtes solennelles, étourdi par le chant des orgues, énervé par les griseries de l’encens, vaincu par la poésie merveilleuse des psaumes, je sens mon âme qui s’exalte… Elle frémit en tous ses vagues enthousiasmes, en toutes ses aspirations informulées, comme ma chair frémit, secouée en toutes ses moelles devant une femme… nue ! Ou seulement devant son image rêvée…

Ah ! les religions, elles savaient ce qu’elles faisaient, va, ces courtisanes ! Elles savaient que c’était le meilleur et le plus sûr moyen d’abrutir l’homme et de l’enchaîner… Alors les poètes n’ont chanté que l’Amour, les arts n’ont exalté que l’Amour… Et l’Amour a dominé la vie, comme le fouet domine le dos de l’esclave qu’il déchire, comme le couteau du meurtre, la poitrine qu’il troue !... Du reste, Dieu !... Dieu, ce n’est qu’une forme de débauche d’amour ! C’est la suprême jouissance inexorable, vers laquelle nous tendons tous nos désirs, et que nous n’atteignons jamais. »

Extrait de L’abbé Jules, d'Octave Mirbeau.

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Michel Bellin lit Octave Mirbeau. Conjonction… Incantation… Imprécation. Désintoxication… Et, comme dans le texte du grand démystificateur (1848-1917), il est question à la fin de l’autobiographie déjantée de Bellin (coup double aux éditions LEN et AMAZON independently published), dans le tout dernier chapitre également, d’un mystérieux coffre. Celui-ci ne révèlera-t-il lui aussi son sulfureux secret que dans les flammes… flammes de l’Amour honni… ou de l’Enfer promis ? Tandis que se déroulera à l’orgue l’ineffable cantilène du Cantor (Pastorale BWV 590).

Sur Octave Mirbeau, voir https://youtu.be/S3IpNioIDOw

Concernant Michel Bellin, c’est ici : www.michel-bellin.fr

Coordonnées éditoriales de L’abbé Jules https://www.lagedhomme.com/ouvrages/octave+mirbeau/l%27abbe+jules/3678

Coordonnées éditoriales de Quelques amours de l’abbé Julius : https://www.leseditionsdunet.com/livre/quelques-amours-de-labbe-julius

Et concernant la fragrance mysticoérotique de l’encens dans les église, le lecteur pourra relire :

https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/le-thuriferaire

POUR ÉCOUTER LE TEXTE DE MIRBEAU ENREGISTRÉ PAR BELLINUS (4 minutes), ouvrir ce lien :

https://youtu.be/op01VKsye6U