J’ai narré brièvement tout ce qui m’a fait fuir la région parisienne (Cf. Bye bye Paris). Aujourd’hui, d’emblée et sans ambages, je pose cette question : peut-on, d’une manière globale et moins connotée, tomber amoureux d’une ville de province ?

Sans hésitation, je réponds par l’affirmative. Bien sûr, c’est impalpable, indémontrable, une sorte d’équilibre diffus, d’environnement pacifié, de légèreté durable. Je pourrais évoquer les produits frais, savoureux, moins onéreux, acquis sur de petits ou plus grands marchés pratiquement quotidiens ici. Je pourrais par des mots tenter d’évoquer plus de calme, plus de silence, plus de vie sociale pacifiée sinon enjouée. Je pourrais aussi évoquer plus de visages avenants, y compris commerçants. On prend ici le temps de se saluer, de se parler, de s’écouter. Se dégage surtout une forme de calme bon enfant, de petitesse bienvenue. Car oui, ici, tout est à petite échelle, tout semble paisible,moins pressé, moins motorisé, surtout dans le quartier historique que j’ai élu. Je ne connais rien de la périphérie, sans doute moins poétique, et ne suis pas du tout pressé de m’y aventurer. On dit aussi les transports en commun médiocres, la gestion des ordures calamiteuse, les SDF omniprésents, bref, rien de tentant dans cette « ville de vieux ». Mais je ne m’attarde pas à ces défauts, je n’évalue que mon ressenti, mon cœur moins oppressé, ma respiration plus ample, mes regards décillés et comme lessivés de trop de bipèdes et de trop de béton, ma manière désormais plus légère, plus humaine, de me déplacer, de commercer, de me distraire, de m’endormir, et de m’éveiller, bref, de vivre. C’est une sorte de respiration douce et ample, avec son lot quotidien de menues surprises provinciales que je transforme illico en immenses plaisirs ingénus, parfois drôles. Car, on me l’a souvent répété, oui, je suis un grand naïf qui ne se méfie de personne et s’émerveille de petits riens dérisoires. Certes. C’est ainsi. Je m’aime ainsi. Car, à mon avis, petites ou immenses, il n’existe pas de villes idéales. Il n’y a qu’un endroit assorti ou non à celle ou celui qui l’habite. C’est comme un vêtement où l’on se sent à l’aise. Et cet équilibre, cette harmonie, cette adéquation et cette conjonction valent bien tous les déracinements, tous les éloignements, tous les ensemencements. Et mon emménagement !

C’est donc ainsi que, fidèle au small is beautiful et au Pour vivre heureux, vivons cachés, compte tenu aussi de mon âme de « grand enfant » et de mon inclination à la frugalité heureuse, à l’équilibre entre l’individu minuscule et un habitat à sa mesure, à la proximité de la nature et du terroir, c’est donc ainsi et ici que je me sens désormais mieux, libéré, désaliéné, démédiatisé, démassifié… et que j’ai choisi de terminer ma vie en douceur et en beauté. En bonté aussi, j’espère. Et le plus longtemps possible, si Pouet-Pouet y consent !