S’il est une chose qu’on ne devrait pas oublier : ne surtout pas se fier à la critique, surtout si elle est parisienne, a fortiori quand elle est unanime. Et avoir comme modèle St Thomas qui ne crut qu’en ce voyaient ses yeux et qu’en ce que palpaient ses doigts. Bref, j’avais une grande envie de voir Frère et sœur ; je m’étais même permis de parler de ce film, de le conseiller… Las, oui, c’est bel et bien selon moi la Palme d’or du nanar (snob) 2022. À défaut de grimper au 7ème ciel le matin de l’Ascension, j’ai donc bu le calice jusqu’à la lie (jusqu’à l’incrédulité, la fatigue, la hargne…). En subissant jusqu’au baobab final (!) ce prétentieux et interminable pensum, un mot s’est peu à peu infiltré en moi… a enflé… m’a envahi : OUTRANCIER. C’est-à-dire superficiel, démonstratif, fabriqué, insincère. Donc forcément ridicule. Tout dans ce film est outrancier. Outrancier le scénario (la pseudo haine recuite invraisemblable). Outranciers les dialogues. Outrancière l’interprétation (Poupaud cabotine le plus, dans un rôle odieux de bout en bout.). Outrancier le pseudo happy-end africain. Outrancières à peu près TOUTES les scènes (avec le pompon peut-être pour la scène où l'écrivain, se prenant pour Batman, survole Paris… mais il y en aurait tant à épingler !). Outranciers les dithyrambes d’une presse parisienne, anesthésiée ou lobotomisée – au choix. En résumé, outrancier le talent d’un réalisateur qui, faute de savoir ou pouvoir se renouveler, se plagie et se parodie lui-même ad nauseam. Je mets néanmoins une demi-étoile pour le visage chiffonné d’une toute jeune comédienne inconnue. Bref, j’espère que le jury cannois saura, lui, distinguer l’or du fer blanc, en écho au silence glacial qui accompagna sur la Croisette cet indigeste pudding psycho-socio-émotionnel.

Post scriptum : le soir de ce jour funeste, pour rattraper le coup, pour m’assurer que le 7ème Art n’est pas un vain mot, je suis retourné voir THE SERVANT de Losey. Le jour et la nuit ! Ici l'épure, là la ratatouille. Il faut dire qu’Harold Pinter était aux commandes pour le scénario alors que le tâcheron franchouillard pilote à vue, sans fil conducteur et en se regardant le nombril ! Misère, misère…