Le Blog officiel de Michel Bellin

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mardi 2 mai 2023

VIVRE HEUREUX SANS DIEU

Comment vit-on sans Dieu ni religion ? Plutôt mieux. « On », pronom indéfini mal élevé, disait feu ma belle-mère ! Je reprends : comment est-ce que je vis désormais sans religion ? Réponse identique voire renforcée : infiniment bien, infiniment mieux. Et j’englobe la foi dans la religion. La foi, quelle qu’elle soit. La foi en un ou plusieurs dieux, quels qu’ils soient.

J’ai pourtant été formaté dès la toute petite enfance, quasiment prédestiné. Avec une quinzaine d’années passées sur le tapis de la chaîne de montage clérical. Sans doute il a fallu toutes ces années d’asservissement doucereux et sournois pour que je savoure aujourd’hui – il était temps ! – ce sentiment d’allègement, de dégrisement, de déssillement, en un mot une immense sensation d’étourdissante Liberté. Et ce sentiment, fait de soulagement et d’orgueil, cette sensation d’échapper enfin une bonne fois pour toutes à une sorte d’abêtissement universel. Même si je me sens minoritaire. Mais plus déterminé et plus lucide que jamais. Jamais plus accro au Dieu escroc !

Car, il ne faut pas se mentir, toute religion est source de tracas, d’interdits, d’endoctrinement, d’embrigadement de moralisation forcée, surtout de mystification effrontée. Sans parler des croisades et des massacres à répétition ! Par ailleurs, à supposer qu’il existe, « Dieu » ne sort jamais indemne ni grandi de tous les systèmes religieux. Bien au contraire. En fait, depuis des temps immémoriaux, les religions enquiquinent l’homme, quand elles ne le maltraitent pas. Eh bien, puisque croire – en Dieu le Père, en Krishna ou en Allah – est aussi vaseux qu’oiseux, puisque la foi, labellisée ou non, est cette semelle inusable pour qui n’avance pas (H. Michaux), il vaut mieux, plutôt que de faire du sur place, sauter, bondir, danser pieds nus, voire nu tout court ! Ce que je fais désormais, au physique comme au mental et au moral.

Enfin désaliénée, démoralisée, désidéologisée, ma propre vie devient alors tellement légère, parce qu’allégée et désenclavée ! Et du coup infiniment précieuse parce qu’impalpable, ne relevant que d’elle-même, ni aliénée ni téléguidée, si légère et précieuse qu’elle en devient urgente : savourer chaque instant qui passe. Carpe diem (et noctem !). Acquiescer au seul Présent. Et envoyer paître tous les ayatollahs ! Rire en douce de toutes les prétendues révélations avec Salut à la clé et Paradis en cadeau Bonux ! Oui, mon paradis, c’est aujourd’hui – les autres pouvant être effectivement un enfer. Mais j’ai la chance d’échapper à cet enfer-là, ne croyant et n’expérimentant que mon propre paradis, la petite île paradisiaque où je me suis retiré, îlot individuel et subjectif dans un océan de bondieuseries et de canulars planétaires.

Mais Lui, que fait-il ? Le grand Esprit. Le grand Manitou. Le grand Mamamouchi. Oui, que fait-il ? Celui que les ¾ des bipèdes, pour ne pas dire les 4/5, continuent d’appeler pompeusement « Dieu », que fait-il ? Que manigance-t-il ? Qui menace-t-il ? Personne. Nada. Absolument rien. Insensible aux encens et aux prières, réfractaire à toutes les apologétiques, condamné de toute éternité à se taire, pendant tout ce temps, il ne fait rien. Absolument rien. Mais pourquoi ? Tout bonnement parce qu’il n’existe pas ! C’est là sa seule excuse. Disons que, faute de preuves, il se tait, il se planque, il n’en peut mais ! Depuis belle lurette, il a fait pschitt. Mais personne ne s’avise de l’admettre. Les belles âmes ont tellement peur de crever. Et tous les religieux tellement soucieux d’emplir leur cahier des charges et leur coffre-fort ! Passons. Et que tous, ils trépassent ! Mais moi, et moi et moi, pourquoi serais-je jusqu’à la fin de mes jours le dévot ou l’esclave (souvent les deux vont ensemble) d’un ectoplasme cosmique ? Et comique. Un énorme pet cosmique ! Car il n’y a pas de miracle et patente est la tromperie. Ou plutôt si, comme le notait ce petit malin de Jean Genet : « Le miracle eut lieu : il n’y eut pas de miracle. Dieu s’était dégonflé. Dieu était creux. Seulement un trou avec n’importe quoi autour. » (in Notre-Dame des Fleurs).

Un trou et du grand vide tout autour, cela est bien peu, bien trop peu, bien trop creux pour remplir la moindre parcelle de vie. En tout cas, plus jamais la mienne : hors de l’athéisme, nul Salut ! Et infiniment plus de bien-être.

VERSION AUDIO : https://youtu.be/bpNTxipEdXE

jeudi 27 avril 2023

VIEILLES ET VIEUX LGBTQI+ : RESTER DANS L’INVISIBILITÉ

S’il est un sujet qui est tendance – en plus de la sacrosainte mutation trans – c’est bien l’injonction faite aux vieilles et vieux homos de sortir de leur prétendue invisibilité pour assumer à nouveau haut et fort leur âge, leur déclin, accessoirement leur sexualité. Dernier ouvrage en date : le livre de Francis Carrier, fondateur de Grey Pride : « Vieillir comme je suis, l’invisibilité des vieux LGBTQI+. » (Rue de Seine éditions). En gros, se plaint l’auteur, « lorsqu’on fait partie d’une communauté qui se sent discriminée, la stratégie de défense la plus courante est de se rendre invisible. Mais “ être invisible ” pour les autres, c’est aussi l’impossibilité de revendiquer sa différence. » D’où l’urgence d’une sortie du placard bis. CQFD.

Or, il se pourrait bien que moult seniors ne se reconnaissent pas dans cette injonction qui sent la militance réchauffée et son vieux rose fané. Tout simplement parce qu’ils ne se ressentent pas camouflés, ni discriminés, ni même envieux de clamer une nouvelle fois urbi et orbi qu’ils sont homosexuels ! Peut-être las d’être indument identifiés et catégorisés encore et encore du fait de leurs préférences sexuelles. En tout cas, ne se sentant pas confrontés à un vieillissement sournois, spécifique, problématique, surtout s’il reste clandestin donc honteux.

Il faut toujours se méfier des courants d’opinion et des pressions idéologiques, voire des modes, spécialement à l’heure où fleurissent victimisations pleurnichardes et réassignations identitaires. Or, l’heure est grave, nous dit-on. Parce qu’ils sont invisibilisés, les vieux gays sont devenus les martyrs inconscients de leur propre dégénérescence programmée. Il semblerait en effet qu’à peu près partout aujourd’hui, du moins en France, principalement dans les EHPAD, « on » s’acharne contre les vieux gays, « on » censure leur histoire personnelle, « on » les désexualise, « on » les réduit à n’être que des objets de soin, etc. Il est frappant de constater combien, dans maints medias, les tribuns recourent volontiers à ce « on » accusateur — pronom indéfini mal poli ! Encore l’autre soir sur France Inter, dans l’émission de l’inoxydable Laure Adler, toute heureuse d’apporter de l’eau à son moulin lorsqu’elle reçut Francis Carrier et donna une large audience aux vaticinations du cofondateur du CNAV new-look (Conseil National Autoproclamé de la Vieillesse).

Eh bien, moi, je dis : ras-le-bol du « on ». Vive le je ! Vive la paisible invisibilité ! Vive mon vieillissement heureux car indifférencié. En effet, il se trouve que si, depuis quelques mois, j’ai quitté l’Ile-de-France pour m’installer incognito dans une charmante ville du Sud-ouest, ce ne fut pas seulement la diminution de la qualité de vie francilienne que j’avais fuie à un âge bientôt vénérable, mais bien aussi une forme de communautarisme devenu aussi étouffant que contraignant. Parfois ridicule. En tout cas stressant. Il est vrai qu’éternel ingénu, j’avais failli succomber aux sirènes d’un nouvel Eldorado, bricolé par une association gay dédiée à la vieillesse, en collaboration avec les services sociaux de la ville de Paris : bientôt, dans chaque arrondissement de la capitale, des colocations pour vieilles et vieux LGBTQI+ – astucieuse manière d’occuper certains logements trop vastes du parc immobilier. Pourtant, ce projet-pilote, cet entre-soi, auquel un temps j’avais tant cru, qui m’avait tant fait vibrer, est-il aussi révolutionnaire qu’ « on » le prétend ? Va-t-il dans le sens de l’Histoire ? Rien de moins évident. Rien de plus fallacieux.

Le 29 juin 2007, date mémorable, car pour la première fois de ma vie, j’ai boycotté la Gay Pride parisienne après avoir signé une tribune parue le jour même dans Le Monde 1. En réalité, je m’étais mis en marche vers une revendication personnelle d’ « indifférence » et j’entendais le signifier par un acte hautement symbolique. Cette “profession de foi” (blasphématoire ?) de l’époque est restée indurée en moi. Mais je l’avais peu à peu oubliée, à l’âge où l’on se sent plus seul ou plus vulnérable ; à nouveau rentré dans le rang, par conformisme, par lassitude, peut-être aussi à cause d’un virus idéologique masqué et inoculé dans mon naïf prêt-à-penser. Mais voici que ma vieille lucidité soudain revint à l’assaut quand, récemment, à la perspective de signer le bail de la Coloc du Bonheur, je me suis ressaisi : quoi ! Comment ? Vieillir entre homos décatis dans des microréserves pour vieux Iroquois ! Et j’ai illico retrouvé mon ancien credo : me défier de « l’essence » de l’homosexualité, de la consistance d’une pseudo « communauté », de la « spécificité » du vieillir gay, de la survalorisation d’une prétendue culture gay et de sa mythique solidarité (intergénérationnelle), etc. Me défier, donc me défiler ! Même si je sais avec Didier Eribon, qu’on n’est jamais gay une fois pour toutes. “Identité” impalpable autant qu’irréalisable… Identité peut-être plus historique que personnelle. Identité frelatée. Davantage affichage social qu’authentique conscience de soi. Sans doute est-ce la maturité qui seule permet de relativiser et de (se) déconstruire. Bref, tout ça accumulé… cette usure devenue insignifiance voire méfiance, n’a fait que mûrir ma décision de me retirer du projet de colocation affinitaire porté par Grey Pride. Plutôt vieillir seul qu’embrigadé et socialement désigné. Et si je dois un jour revenir à mon utopie de colocation, ce projet ne pourra désormais se déployer que dans le cadre d’un habitat partagé senior mixte et indifférencié, ni typé ni genré, surtout pas endogamique, la sexualité des un•e•s et des autres (ce qui en reste !) ne constituant qu’un épiphénomène, un caractère privé, en aucun cas un pedigree coagulateur et fondateur.



Finalement, en m’éloignant de la région parisienne, en échappant à la nasse d’un certain communautarisme volontiers prescripteur autant que moralisateur, en brisant le sortilège d’un mirage affinitaire et colocataire, peut-être n’ai-je fait que revenir à ma déconstruction, à mon indépendance, à ma volonté de m’assumer en vérité. Seize ans plus tard, il était temps, non ? Mais cette fois lucidement, humblement, en faisant profil bas : «  (…) Parvenir enfin à l'indifférence. Consentir à l'insignifiance. Gommer l'appartenance. Ce pour quoi, émasculant les mots imbéciles et fuyant les flonflons, je hurle au silence comme un bâtard galeux : "Né-ga-ti-vons et rentrons chez nous !" » Voilà qui est fait. Démarche autrement plus radicale, plus exaltante aussi, que de fuir notre kermesse arc-en-ciel ! Une sorte d’exode ou d’exil, tel est donc mon choix, enfin actualisé, incarné, revendiqué. Et désormais seul dans ma campagne, je ne me sens – en tant que senior –, ni plus coupable ni plus lâche ni plus fragile que mes congénères citadins labellisés Grey Pride ! Simplement moi-même. Et heureux, autant qu’on peut l’être dans la poignante splendeur du crépuscule…

Dans un article (Libération du 18/02/2018), l’incontournable Francis Carrier – le Messie des vieux heureux – raillait ce commentaire, selon lui le plus stéréotypé et le plus infamant qui soit : « Tu n’as pas du tout l’air d’être homosexuel ! » À mon humble avis, moi dont la seule fierté est de ne pas en avoir honte, revendiquant plus que jamais l’âge de ma libido et de mon cœur plutôt que celui de mes artères, eh bien j’assume et revendique ma paisible assomption par l’effacement volontaire : soixante seize ans après ma naissance, je n’ai pas du tout l’air d’être homosexuel… tout bonnement parce que je ne le suis plus !

– Oui, pour vieillir heureux, vivons cachés !

1 https://www.lemonde.fr/idees/article/2007/06/29/bannieres-et-ostensoirs-par-michel-bellin_929606_3232.html

dimanche 23 avril 2023

RENÉ-SAMIR HELCIM NILBEL, UN ILLUSTRE INCONNU QUI DÉRANGE !

Très troublé récemment pas la réception d’un petit livre, reçu en Service de Presse (l’essai est sur la liste du prix du Roman Gay 2023) : « Le feu du Royaume » aux Éditions du Net. J’ai un peu fureté, découvrant par exemple que l’opus est paru le 23 mars dernier, premier jour du Ramadan et que l’histoire se termine sur le parvis de Notre-Dame de Paris ! Un paradoxe qui m’a donné envie d’aller y voir de plus près.

Écrit par un mystérieux primo-romancier d'origine kabyle, voici donc un livre ovni aussi fascinant qu’irritant. Tant pour le fond que par la forme. À travers le destin assez improbable d’un converti de l’Islam s’acharnant à devenir prêtre catholique et sauvant sa peau en faisant raconter ses déboires par un écrivain-conseil, se dessinent plusieurs thématiques entremêlées : l’éloge d’une belle amitié intergénérationnelle… un règlement de compte vis-à-vis de l’institution catholique experte en homophobie et en hypocrisie (cf. le choquant chapitre 2 qui met en scène un prêtre psychanalyste à la thérapie… tactile particulièrement appuyée !)… et surtout, une fascination-identification quasi maladive avec le Jésus des Évangiles, « Isa, le fils de Marie », selon le Coran.

Écartelé entre ses deux cultures, entre ses propres contradictions (sa soif de pureté et sa complaisance vis-à-vis du Père Antonina, son psy), tiraillé entre son désir de s’intégrer dans son séminaire francilien et la société bourgeoise et sa rébellion à fleurs de peau… René-Samir en devient un brin parano. Alors se pose la question : SAINT ou NÉVROSÉ ? Il y a néanmoins en cet homme-enfant une sorte de Pureté fondatrice, une innocence qui fut depuis son enfance régulièrement malmenée et blessée. D’où le bouleversant épilogue mettant brutalement fin au récit qui, à l’origine, devait comporter 12 chapitres (« … à cause du chiffre sacré et de l’encouragement à faire la paix, pas la guerre, parce que Jésus a choisi 12 disciples et qu’il y a 12 fois le mot imam dans le Saint Coran. »). Donc un livre amputé, quasiment mort-né.

Néanmoins, dans ce malheur annoncé, dans les mots maladroits, il y a ici, je trouve, une vibration, une confiance, une Joie formidable. Ce qui a fait dire à un critique, sur la page d’Actualitté 1 consacrée à l’ouvrage : « (…) Il y a dans ce personnage quelque chose de “L’Idiot” dostoïevskien. Celui qui semble au prime abord stupide et par là, découvre le chemin de l’intelligence véritable. » L’éloge est sans doute exagéré mais pourtant finement observé, si le lecteur sait lire entre les lignes, y débusquer à la fois l’humour et la douleur, en cheminant pas à pas avec notre anti-héros à travers et par-delà sa tchatche hallucinée.

Personnellement, lorsque j’ai refermé ce livre fascinant, avec émotion et regret, pas mal d’irritation aussi (surtout à cause du « style » ! On doit parfois s'y reprendre à deux fois pour retrouver le début de la phrase... mais ce n'est pas du Proust !!!) ), j’ai relu l’épigraphe du début. Eh bien, le grand Bernanos semble avoir tout compris avant l’heure de René-Samir, éternel Enfant Prodigue : « Certes ma vie est déjà pleine de morts. Mais le plus mort des morts est le petit garçon que je fus. Et pourtant, l’heure venue, c’est lui qui reprendra sa place à la tête de ma vie, rassemblera mes pauvres années jusqu’à la dernière, et comme un jeune chef ses vétérans, ralliant la troupe en désordre, entrera le premier dans la maison du Père. » Que peut-on souhaiter de mieux ce gosse attardé de René-Samir (alter ego de l’auteur ?), lui qui jette ses derniers feux dans sa folie d’Amour : « … Dieu n’est plus un tyran ou un bourreau obligé comme Allah. Car, entre nous, ma vieille religion, c’était une religion de la terreur, pas de l’Amour ! Or, notre “Dieu des Armées” à nous – pas celui des feujs très démodé ou celui des rebeus radicalisés – le Dieu chrétien, le même forcément et aussi pas le même, rien à voir ! c’est un Dieu désarmé, un papa poule qui part à la recherche de la brebis perdue, mon Abi ana hnine halwa liya à moi, quoi ! »

Bonnes retrouvailles à l’orphelin ! Et bonne découverte aux lectrices et aux lecteurs de mon Blog, à condition d’être curieux et sans a priori.

1 https://actualitte.com/livres/1523443/le-feu-du-royaume-rene-samir-helcim-nilbel-9782312131955

DÉSIR ET PLAISIR

À un ami qui se dépêtre dans sa vie (en tant que prêtre gay, doit-il rester dans les Ordres ou quitter ? Car il court éperdument après le grand Amour), j’écris ceci :

« "Le grand amour", comme tu l’appelles imprudemment, je pense, n'existe pas. Et c'est tant mieux, car source de frustration et d’exaspération... avec l'inévitable séparation. Et comme tu fus sevré d'amour (maternel), le trou en toi... le vide est immense, mais je doute qu'un partenaire, surtout s'il est gay, et même blondinet chétif, puisse le comprendre, disons en prendre la mesure, et surtout le combler ! Il te faudra alors diminuer la voilure... ne pas espérer trop... surtout ne pas trop espérer d'une pseudo communauté arc-en-ciel marquée par un hédonisme et un jeunisme exacerbés. Pas très exaltant ? J'en conviens. »

Et je prolonge in petto et sur mon Blog ma réflexion du jour :

Pour moi, ayant échappé à ce milieu et rejeté l’Église hypocrite autant que castratrice, je trouve de plus en plus mes marques : je ne crois qu'en l’Amitié. J'ai évacué le grand Amour, en totale disgrâce ! L’indispensable sexe, lui, se déploie librement et ingénument, mais dans une sorte d'antre soigneusement cadenassé. Soit l’antre des courriels enflammés soit celui du lit hospitalier. Rite d’union et de communion tactile, secrète et mystérieuse. Là, en totale apesanteur (malgré la pesanteur de nos virils attributs et leur obscène arrogance !), nous osons TOUT : tout faire, tout oser, tout nous dire (soit se traiter de "salope", soit susurrer, comme le fait mon sex friend, "mon papounet d'amour" !. Sauf qu’il n’est jamais question d’Amour entre nous ! Rien ne porte à conséquence, car tout est JEU. Suavité rime avec facticité. Même la sémantique, écrite ou susurrée, est jeu, badinerie, scabreux marivaudage. L’essentiel reste le corps.Point. Le corps sacré. Le corps consacré à la Volupté. Qu’il exulte ! D'où notre devise : jouir, te faire jouir, nous réjouir. Par ailleurs, il est très important pour moi que mon amant ne soit pas gay ! Surtout pas. J'apprécie que son approche érotique soit indifférenciée, selon la distinction que j'ai établie : si le désir est sexué, le plaisir est unisexe. Tout simplement ! Donc, pas besoin d'étiquettes ! Nul besoin de pedigree. Seule la magie des orifices... non labellisés ni normalisés. C’est la chair aimantée qui gère et qui amène à son exaltation naturelle, innocente, sans connotation (sexuelle) homo ou hétéro : seule la magie, la magnifique énergie – solitaire ou duelle– qui engorge et appelle expansion et rassasiement heureux ! Promesse de vitalité et d’éternité. Et répétition du rite. Car, disait Pasolini, « cet acte, il faut mille fois le répéter : parce que ne pas le répéter, signifie éprouver la mort comme une douleur frénétique, qui n’a pas sa pareille dans le monde vivant. » (in Poésies, La réalité. Poésie en forme de rose 1961-1964).

Donc, répétons, répétons, répétons encore… Niquons l'Amour et oublions tout le reste qui n’est que littérature romantique et geignarde moraline.

dimanche 8 janvier 2023

LE THURIFÉRAIRE

En ce dimanche pluvieux m’est revenu à la mémoire la phrase d’Octave Mirbeau stigmatisant le piège esthético-sentimental que constitue la liturgie catholique (en voie de disparition) : « (…) les griseries de l’encens, l’onanisme moral des adorations. » Bien sûr, aussitôt, ces mots ayant fait tilt, je me suis récité mon poème Le thuriféraire — émoi vécu dans la crypte des Missions étrangères de Paris. À cette époque, il y a quelques années seulement, je croyais que la greffe allait prendre et j’aimais à respirer de tels effluves en m’imaginant que, ardent et enivré, j’allais pouvoir reparler à Dieu… alors que Lui ne pourrait pas me répondre, trop occupé à m’écouter ! Bref, j’ai revécu ma prose et aussitôt décidé de la SONORISER plaisamment, puisque, sur la Toile, il est aisé de trouver gratuitement les logiciels adéquats. Le résultat est donc ici , évidemment à humer au milieu des volutes parfumées :

https://youtu.be/3Wav2kdlsU0

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Références de l’opus dont est tiré ce poème (Prix de la Poésie gay 2019)

https://www.amazon.fr/D%C3%89LICES-INFAMIE-homosensuels-Michel-BELLIN/dp/B08HGPZ1DN

DIEU, DÉBAUCHE D’AMOUR

DIEU, DÉBAUCHE D’AMOUR

C’était dans la nuit du 6 au 7 janvier. Je lisais un ouvrage passionnant et dérangeant d’Octave Mirbeau « L’abbé Jules ». Pas si bizarre que ça de la part d’un auteur qui, en début d’année, fit paraître son autobiographie déjantée et morcelée « Quelques amours de l’abbé Julius ». Qui se ressemble s’assemble. Bref, je tombe sur un passage inouï. Je le relis et bondis pour écrire ce passage de feu. Et pour aussi me livrer céans à une très artisanale séance d’enregistrement. Car l’auteur de ce blog est ainsi : passionné ! Battre le fer tant qu’il est chaud… avant que la camarde ne nous fauche !

Voici le texte et, en complément infra, la suite des réjouissances.

Dans ce passage, au chapitre IV du roman, l’abbé s’adresse à son jeune neveu dont il assume une éducation absolument aberrante, je veux dire dans la configuration rousseauiste.

« (..) Nous qui ne sommes pas des bêtes, par malheur, nous faisons l’amour autrement… Au lieu de conserver à l’amour le caractère qu’il doit avoir dans la nature, le caractère d’un acte régulier, tranquille et noble… le caractère d’une fonction organique, enfin… nous y avons introduit le rêve ; le rêve a apporté l’inassouvi ; et l’inassouvi, la débauche. Car la débauche, ce n’est pas autre chose que la déformation de l’amour naturel, par idéal…

Les religions — la religion catholique surtout —se sont faites les grandes entremetteuses de l’Amour. Sous prétexte d’en adoucir le côté brutal, qui est le seul héroïque, elles en ont développé le côté pervers et malsain par la sensualité des musiques et des parfums, par le mysticisme des prières et l’onanisme moral des adorations… comprends-tu, petit ?

Autrefois, j’ai cru à l’amour, j’ai cru à Dieu. J’y crois encore souvent, car de ce poison on ne guérit pas complètement. Dans les églises, au jour des fêtes solennelles, étourdi par le chant des orgues, énervé par les griseries de l’encens, vaincu par la poésie merveilleuse des psaumes, je sens mon âme qui s’exalte… Elle frémit en tous ses vagues enthousiasmes, en toutes ses aspirations informulées, comme ma chair frémit, secouée en toutes ses moelles devant une femme… nue ! Ou seulement devant son image rêvée…

Ah ! les religions, elles savaient ce qu’elles faisaient, va, ces courtisanes ! Elles savaient que c’était le meilleur et le plus sûr moyen d’abrutir l’homme et de l’enchaîner… Alors les poètes n’ont chanté que l’Amour, les arts n’ont exalté que l’Amour… Et l’Amour a dominé la vie, comme le fouet domine le dos de l’esclave qu’il déchire, comme le couteau du meurtre, la poitrine qu’il troue !... Du reste, Dieu !... Dieu, ce n’est qu’une forme de débauche d’amour ! C’est la suprême jouissance inexorable, vers laquelle nous tendons tous nos désirs, et que nous n’atteignons jamais. »

Extrait de L’abbé Jules, d'Octave Mirbeau.

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Michel Bellin lit Octave Mirbeau. Conjonction… Incantation… Imprécation. Désintoxication… Et, comme dans le texte du grand démystificateur (1848-1917), il est question à la fin de l’autobiographie déjantée de Bellin (coup double aux éditions LEN et AMAZON independently published), dans le tout dernier chapitre également, d’un mystérieux coffre. Celui-ci ne révèlera-t-il lui aussi son sulfureux secret que dans les flammes… flammes de l’Amour honni… ou de l’Enfer promis ? Tandis que se déroulera à l’orgue l’ineffable cantilène du Cantor (Pastorale BWV 590).

Sur Octave Mirbeau, voir https://youtu.be/S3IpNioIDOw

Concernant Michel Bellin, c’est ici : www.michel-bellin.fr

Coordonnées éditoriales de L’abbé Jules https://www.lagedhomme.com/ouvrages/octave+mirbeau/l%27abbe+jules/3678

Coordonnées éditoriales de Quelques amours de l’abbé Julius : https://www.leseditionsdunet.com/livre/quelques-amours-de-labbe-julius

Et concernant la fragrance mysticoérotique de l’encens dans les église, le lecteur pourra relire :

https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/le-thuriferaire

POUR ÉCOUTER LE TEXTE DE MIRBEAU ENREGISTRÉ PAR BELLINUS (4 minutes), ouvrir ce lien :

https://youtu.be/op01VKsye6U

samedi 31 décembre 2022

MES BIEN CHERS FILS© (hommage de l'auteur au pape Benoît XVI, homophobe émérite)

MES BIEN CHERS FILS© (hommage au pape Benoît XVI, homophobe émérite)



Cette allocution confidentielle de l’ex-Souverain Pontife décédé le 31/12/2022 fut prononcée à l’automne 2005 dans le salon San Bartolomeo du palais du Vatican (Cf. l'édition — expurgée — de l’Osservatore Romano du 5/11/2012). Fidèlement rapportée à l’auteur grâce à l'amicale complicité de Paolo Gabriele, l’ex-majordome du pape, cette homélie, après quelque vingt ans de censure, est enfin divulguée et traduite aujourd’hui par Michel Bellin. Tout est dit sur l’homophobie de ce Pontife et son sens aigu de l’humour.

__Discours de Benoît XVI à un groupe de pèlerins gays le 25 novembre 2005 à Rome__



Mes bien chers fils,



C’est pour Nous une félicité, que dis-je, une félicité, une Grâce, de Nous adresser à vous ce soir, en ce temps de l’Avent – Adventus, temps de la venue de Notre-Seigneur que nous allons accueillir à Noël. Certes, notre rencontre, bien chers fils homosexuels, est insolite et c’est pourquoi Nous avons tenu à la rendre discrète, non pas au cours de l’audience pontificale du mercredi, mais dans l’intimité de nos appartements, afin que nul ne soit scandalisé. Car malheur à celui qui scandalise un de ces petits, il vaudrait mieux lui attacher au cou une meule de moulin et le précipiter dans la Géhenne éternelle.

À l’instar de notre divin Maître dont Nous relayons ici la Voix, nous vous accueillons ce soir pour vous dire que Nous vous aimons, tels que vous êtes, vous les brebis perdues du grand Israël, les biques les plus indignes et les plus peccamineuses du troupeau que votre Bon Pasteur néanmoins chérit. Dans cette homélie pour le temps de l’Avent, voici le message que Benedetto, votre Souverain Poncif, veut vous transmettre : quel que soit le destin des introvertis, leur indignité mais aussi leur souffrance, et bien qu’ils soient le rebut du genre humain, l’opprobre des deux cités maudites et que leurs actes soient par nature essentiellement pervers et illicites, Nous ne jugeons pas, Nous ne condamnons pas, Nous compatissons, nous faisant les plus humbles parmi les humbles, serviteur des Serviteurs du Christ et nous vous disons solennellement aujourd’hui, contre vents et Marais : ne vous lamentez pas, ne désespérez pas car Dieu est amour, Dieu vous chérit même si ses voies sont impénétrables et Nous souhaitons de tout cœur que son message de tendresse paternelle vous atteigne au fondement de votre espérance puisque, disait l’Apôtre, là où le péché abonde, la Grâce surabonde.

Puisque ce soir, Nous l’avons dit, c’est l’insolite qui nous réunit, contact exceptionnel, audacieux, curieux… pour ne pas dire ignominieux, c’est ce thème de l’inédit que Nous avons choisi comme message de notre homélie : Dieu nous interpelle au cœur de l’événement le plus humble. Dans la rencontre la plus inattendue, il pétrit nos âmes et ensemence notre foi à l’ombre du quotidien. C’est déjà le thème de Noël : Emmanuel, Dieu avec nous ! Oui, Dieu se dévoile et se donne là où l’on ne l’attend pas car, disait encore l’Apôtre, tout est grâce au cœur de votre disgrâce. Pour preuve, mes bien chers fils, Nous voudrions, afin que votre conversion soit patente et que se tende jusqu’au ciel l’énergie de votre repentance, Nous voudrions donc vous citer trois témoignages : trois rencontres humaines singulières, trois anecdotes prosaïques au travers desquelles le Seigneur s’est frayé un chemin jusqu’aux iniques que vous êtes. Providence inouïe. O felix culpa ! Ce sont des événements tout simples qu’on m’a livrés en confusion, plus exactement en confession. Nous aurions sans doute dû les conserver dans le secret de notre alcôve… pardon, de notre chapelle privée mais nous avons pensé que ces témoignages de vie pouvaient vous édifier, car il n’est point de secret que le temps ne révèle. Révélation, telle est bien la pointe de la Vérité dont Nous sommes le garant, l’acmé du message dont nous sommes le dépositaire : le Verbe s’est fait chair (même si triste est la chair)… le Verbe s’est donc fait chair et il a planté sa tente parmi nous. In principio erat verbum et verbum caro factum est.

Notre premier témoignage émane – vous allez sourire, mes bien chers fils, mais c’est la stricte vérité ! – notre témoignage émane donc d’un cambrioleur, un modeste truand, presque inoffensif qui sévit néanmoins encore aujourd’hui en pillant les villas d’Ostie. C’est malgré tout un brave homme et, Nous qui connaissons bien les arcanes de la Banque du St Esprit, nous nous amusons souvent de son touchant amateurisme. Un jour, juste avant de lui donner l’absolution, (à l’époque, Nous n’étions que vicaire en Bavière ; ce n’est que plus tard que le lascar Nous suivit en Italie), bref, Nous avions été ému par la mésaventure qui lui était arrivée. L’homme était en train de cambrioler une maison, quand il entendit soudain une voix « C'est mal ce que tu fais, Jésus te regarde et il va venir. » Notre Zachée moderne se retourne interloqué et voit un perroquet qui lui répète – « C'est mal ce que tu fais, Jésus te regarde et il va venir. » Le cambrioleur rétorque alors : « Tu sais, moi, j'en ai rien à foutre de Jésus… » Pardonnez-moi, mes fils, mais la vérité historique m’oblige à rapporter ces propos, aussi choquants soient-ils. Edulcorons-les néanmoins afin de ne pas scandaliser le moindre de ces bambins. L’homme rétorque donc : « Moi, de Jésus, peut m’en chaut mais dis plutôt, comment tu t'appelles, mon coco ? » — « Je m'appelle Alexandre, c'est mal ce que tu fais, Jésus te regarde et il va venir. » — Arrête de me casser les couilles… pardon, arrête d’exacerber ma trop humaine patience, dis-moi plutôt, Alexandre, c'est un drôle de nom pour un perroquet, non ? » — « Et Jésus, c'est pas un drôle de nom pour un pitt bull ? » La parabole est authentique mais ne dit pas si le mauvais larron fut converti pour de bon après que la Grâce l’eût cruellement mordu.

Deuxième exemple, chers fils indignes, de l’effet de surprise que le Seigneur peut vous réserver. En ce temps-là, j’étais théologien à Stuttgart, un assez bon théologien ma foi, si j’en crois les médias. Je m’interrogeais beaucoup à l’époque à propos de l’éthique, – la morale, c’est vraiment formidiable ! – principalement sur cette question : l’inversion est-elle essentiellement perverse ou intrinsèquement perverse ? Nuance pouvant justifier l’abstinence. (Vous savez, la théologie, ce n’est pas sorcier : aussi simple que dieu et dieu font trois !) Bref, revenons à notre témoignage : voici ce qui arriva à notre beau-frère qui Nous confia un jour sa mésaventure. Nous ignorons d’ailleurs comment il osa s’abandonner à un tel aveu mais nous étions alors tous deux jeunes, nous nous aimions beaucoup, c’était aussi la fête de la bière toujours propice aux confidences... Bref, pour votre édification, mes bien chers-fils, voici la rencontre que fit le beau-frère du futur pape, telle qu’il Nous la narra. Siegfried – notre bauf  s’appelle, pardon s’appelait Siegfried … oui, Siegfried est mort hélas dans les années quatre-vingt dix. Comme il était très catholique, il suivait les prescriptions de nos prédécesseurs en matière de morale sexuelle. Puisqu’ils ont mis le préservatif à l’Index, mon beau-frère prenait la bulle papale au pied de la lettre… alors forcément … à force de s’arrêter dans les aires d’autoroute, même avec le doigt protégé… Nous ne vous l’avons pas encore dit ? Siegfried était routier. Il reliait l’Allemagne de l’Ouest et la France deux fois par semaine, heureux de vivre, chantant à sa manière les louanges du Seigneur. Epanoui dans sa cabine, rendant hommage à sa… bref, il était joyeux et psalmodiait nuit et jour. « J'ai un beau camion, je vais à Dijon, je m'appelle Siegfried et j’ai un gros bide ! » Notre feu beau-frère, comme vous le constatez, était un être simple, un peu fruste, très attachant au demeurant. Heureux les pauvres d’esprit ! Bref, il Nous raconta avoir pris un jour une religieuse en stop et mon cher Siegfried – honni soit qui mâle y pense –  aurait bien voulu suivre un tantinet l’appel de la Nature… bref se la faire, pardonnez-moi mes frères, mais la religieuse, craignant, après avoir vécu en vierge, de finir en sainte, ne se laissa pas si facilement lutiner et lui répliqua d’une voix doucereuse : « Mon frère, j'ai juré de rester pure et je ne peux trahir ce vœu. Seulement comme vous êtes serviable, je veux bien avoir une relation avec vous, non par concupiscence mais par reconnaissance, mais il faudra faire cela par derrière afin que je conserve ma virginité. » Notre beau-frère se dit que c'est toujours mieux que rien et il accepta les conditions. Siegfried arrête donc son camion peu après Strasbourg et, sur le capot rutilant, rend céans hommage à la nonne en l’honorant postérieurement, selon ce qui avait été convenu. Quand il repart, tout guilleret il reprend son refrain : "J'ai un beau camion, je vais à Dijon, je m'appelle Siegfried et j’ai un gros bide ! » Arrivé à destination, s’étonnant que son auto-stoppeuse, placide et apparemment ravie, fût demeurée silencieuse, le camionneur lui demande : « Mais, ma sœur, vous n’aimez pas chanter ? Vous n’êtes donc pas comblée ? » Alors la religieuse, rayonnante de bonheur, entrouvrit la portière, bondit sur l’asphalte et quitta feu le beau-frère du futur Benedetto en lui chantant : « Je vais m'amuser au bal costumé, j’ai bien pris mon pied : je m'appelle Roger ! » D’où notre question qui demeure pendante et enfle encore davantage sous la poussée de la putative préméditation : enculage de poids lourd, est-ce essentiellement ou intrinsèquement peccamineux, poil aux pneus ?

Vous riez, mes bien chers fils ? D’aise, vous vous esclaffez ! De contentement, vous vous battez les flancs ? C’est bien, c’est saint : sur la voie de la repentance, l’humour est le début de l’errance. Mais il se fait tard et Nous devons conclure. Nous vous livrerons un dernier témoignage évangélique, tout aussi exemplaire, montrant que Dieu notre Père se terre au fond de vos ornières. Un mot encore : Nous n’ajouterons pas de conclusion à notre pontifical sermon. Il convient de laisser à Dieu lui-même le mot de la fin : à tout Seigneur, tout honneur. Alors, redoublez d’attention, fils très chers, écoutez, méditez, priez, priez sans fin – les oraisons jaculatoires, c’est pas fait pour les chiens ! – suppliez et méditez l’épilogue de cette rencontre du troisième type où, tel Yahvé dans le Buisson ardent, pour vous, pauvres manants, l’Inédit de Dieu daigne entrebâiller l’huis de son Paradis. C’est sœur Greta elle-même qui m’a rapporté l’anecdote, elle est donc authentique. Sœur Greta est notre sœur – véritablement notre sœur, pas pour du beurre, nous l’avons fait venir de Traunstein et elle est aujourd’hui à notre service, lingère chef au Vatican et sous-secrétaire de la Commission Pontificale chargée de la question de la Réduction de la Femme – bref, voici ce qu’elle Nous narra. Début octobre, elle a rencontré près de Castel Gandolfo un brave abbé, plus tout jeune, grand amateur de safari, un saint homme un peu hors-normes mais Nous l’aimons bien (Nous venons de le nommer nonce apostolique en Thaïlande). Bref, voici la discussion que m’a rapportée hier matin Greta, doublement sœur, Nous l’avons dit, de lit et en Jésus-Christ.

– Et oui, ma sœur ! lui avouait le saint prêtre, un rien penaud. Que voulez-vous, c'est ma faiblesse : j'aime la chasse !

– Mais vous n'y pensez pas, mon Père ! protestait sœur Greta. Ce sont des créatures du Bon Dieu que vous massacrez !

– Oh, pas tant que ça... je rentre souvent bredouille. Mais si ça vous inquiète, accompagnez-moi, demain après les vêpres.

Et bien soit ! Le lendemain, le prélat et la nonne battirent la campagne. Soudain, le monsignore voit un lapin, épaule, le vise, tire et… le rate.

– Ah, nom de Dieu ! J'ai raté le lapin

– Mon Père ! Allons ! Mais vous jurez !

– Certes, ma sœur, je le confesse, à vous, future papesse. C'est plus fort que moi, mais je vous promets que... Oh ! un faisan !

Le prêtre tire, mais rate le faisan.

– Ah ! nom de Dieu de bordel de Dieu ! J'ai raté le faisan !

– Mais enfin ! Mon Père ! Contrôlez-vous ! Et votre âme éternelle alors ? Qu’en faites-vous ? Dieu vous punira.

– Oui, ma sœur, je sais bien mais je... Là ! un chevreuil ! Pan ! Pan ! Ah ! nom de Dieu de sacré nom de Dieu de putain de bordel de merde ! J'ai aussi raté le chevreuil !

À cet instant… mes bien chers fils, soyez attentifs, je vous prie : à cet instant précis, les cieux se chargèrent de nuages menaçants ; une troupe d’archanges vengeurs obscurcit l’horizon. Au son de la trompette, un éclair vint alors frapper de plein fouet... la nonne exsangue qui s’affaisse sur la lande. Et du haut des nues une voix irritée se fit entendre :



« Bordel de nom de Moi ! J’ai raté le curé ! »

vendredi 30 décembre 2022

CADEAU D'APRES NOUVEL AN

  Avec mon sex friend,

Enjeux et pratiques

Sont toujours ludiques.

Jamais de "The end"

Avec mon sex friend !

    Pour la St Sylvestre,

De loin, son défi

— Et gage à l'appui —

Lancé à ma dextre

Pour la St Sylvestre !

    Son courriel torride

Doit n'être que glace

Sur le drap nulle trace

J'ignore frigide

Son courriel torride !

    Quel sera le gage

Sacrant ma vertu

Quand l'absence tue

Quel sera le gage

Dicté à mon page ?

    Tout ce que j'adore

Nudité serrée

Un slow éthéré

Langueur qu'il abhorre

Tout ce que j'adore !

    « Smile », oh oui ! souris

au doux Nat King Cole

Sensuel et cool

Dansons, mon chéri,

« Smile », bande et souris !

  Écrit à P*, au matin du 30/12/2022, dans l'attente de...?

___

  https://youtu.be/xyHoohNyYkw

lundi 28 novembre 2022

INDIVIDUELLE MONSTRUOSITE ET IMPUISSANCE INSTITUTIONNELLE

Les lignes qui suivent sont celles d’un vieux jeune homme de 75 ans qui n’est plus catholique ni même croyant mais qui, vu son passé, ne peut rester indifférent aux soubresauts – plutôt à l’immobilisme – qui caractérisent l’Église, singulièrement en France. En ce qui concerne les scandales liés à une pédophilie endémique, voici 8 pistes de réflexion. Elles sont schématiques et forcément subjectives, en rien paroles d’Évangile !

1/ Dans toute vie humaine, de 9 à 99 ans, le sexe est important, omniprésent, gratifiant, souvent innocent. Mais il peut engendrer des faux-pas voire des crimes quand un individu se préfère et lèse autrui. Il lui revient alors de le reconnaître, de réparer, si possible de s’amender.

2/ Il existe d’autres défaillances humaines qui ne sont pas sexuelles. Sans parler des vols, des malversations financières, des calomnies, etc. certains mots peuvent tuer, certains silences, certaines attitudes froides, indifférentes, déshumanisantes… À chacun de s’examiner, de voir au rétroviseur la poutre dans ses propres prunelles avant de crier haro sur le baudet.

3/ Il existe aussi des « crimes sans victimes » (gestation pour autrui, IVG, euthanasie…) pour lesquels telle ou telle société humaine – et son Droit – se positionne, précise, voire sanctionne, pour un temps donné, pas éternellement, car, pour la conscience comme pour la biologie, la seule loi possible est celle de l’évolution et de l’adaptation au réel hic et nunc.

4/ Quoi qu’en disent les modes changeantes, les revirements de l’opinion, les soubresauts de l’Histoire, les soubassements anthropologiques ou sociétaux forcément divers sur notre petite planète, etc. certaines catégories de faux-pas sexuels sont des « crimes sans victimes », ne nécessitant ni acharnement médiatique, ni vendetta (ecclésiastique), ni tardif battage de coulpe (épiscopal), ni chasse éperdue à de pauvres vieux ploucs émissaires. Car ce qui prime n’est pas l’opinion publique voire ecclésiastique, pas même le délicieux supplice du prurit victimaire, mais bel et bien la voix de la conscience personnelle et l’intime conviction.

5/ Vu de l’extérieur, ce qui reste de la « société catholique » (cette sécularisation demeurant selon moi une bonne nouvelle) ne me semble ni sain ni prometteur. Car, après avoir été hypocritement niée pendant des décennies voire des siècles, la sexualité humaine – et ses défaillances, avec ou sans victimes – est surexploitée pour que l’institution se refasse une virginité ! Mais dans les faits, rien ne change : à un Dieu mâle, des officiants mâles. Et le sexe demeure l’obsession majeure et le suprême interdit.

6/ Quant à Jésus – Christ ou non – que j’ai délaissé, non sans nostalgie, je plains ses disciples d’hier et de toujours car ils resteront pris entre deux feux, le plus souvent otages, coincés entre deux paroles contraires (si tant est que l’exégèse ne soit pas manipulatrice voire réductrice !) : soit attacher une meule de pierre au cou de ceux qui ont scandalisé ces petits (?)… soit pardonner, non pas une seule fois, mais soixante dix fois sept fois !

7/ Or, à mes yeux d’ex-prêtre désintoxiqué, l’Église ne sait toujours pas pardonner à la manière de son « fondateur ». Elle ne sait pas non plus se réformer de l’intérieur car ses instances dirigeantes sont incapables de briser puis de reconstruire à neuf le vieux socle anthropologique devenu vermoulu, névrogène, mortifère. On se rappelle ce qu’Il disait de l’eau vive versée dans de vieilles outres…

8/ Pour finir, afin de faire de son passé son bon pain quotidien, chacun se voit renvoyé à sa conscience, à sa lucidité, à son humilité, à sa propre réconciliation avec soi-même… Et aussi à cette lucidité fondamentale : tout bipède est un être prématuré, malhabile à vivre et dévoré de rêves. Car nous ne savons toujours pas (nous) aimer. Telle est hélas la tare naturelle de l’humanité et l’individuelle monstruosité.

dimanche 16 octobre 2022

FEU MA « COLOC ARC-EN-CIEL »

FEU MA « COLOC ARC-EN-CIEL »

Un itinéraire d'élucidation et de déconstruction

Il est des êtres rapides, incisifs et réactifs – ce qui n’est pas nécessairement une marque de génie, encore moins de superficialité. Il en est d’autres plus lents, plus pondérés voire retardataires – ce qui n’est pas forcément un signe de réflexion et de mûrissement. Nettement, l’auteur de ces lignes fait partie de la seconde catégorie.

Si certaines bifurcations de ma vie furent relativement rapides (je n’ai mis que 5 ans pour m’échapper du piège clérical), il m’aura fallu une vingtaine d'années d’expérience conjugale (avec procréation obligée) pour admettre que ce statut ne correspondait pas à mon identité intime, et donc qu’il fallait en sortir en divorçant et en ritualisant à la cinquantaine l’incontournable coming-out. Après une décennie de fierté exubérante, grosso modo depuis 2007, me voilà entré dans la longue période de déconstruction identitaire et de sortie de la nasse homosexuelle. Parmi les étapes de ce processus, pas forcément confortable, la renonciation à un projet d’habitat partagé labellisé Grey Pride aura constitué un moment fort de rupture et de réappropriation de moi-même, qui prend, avec mon emménagement en région, des allures de dégrisement voire d’exode plus que d’exil : davantage que la pollution urbaine et l’inconfort du métro, la fin volontaire des mirages du vieillissement heureux et de l’enfumage idéologique qui va avec. Oui, il m’aura fallu presque trois (!) années pour comprendre et admettre à quel point ce type de colocation arc-en-ciel censée remplacer les funestes Ehpad (grosso modo, de vieux pédés se regroupent à 4 ou 5 pour finir leurs jours dans l’harmonie, la fraternité et la solidarité) est une fausse piste, une impasse, voire une arnaque, tant le concept censé être révolutionnaire est rétrograde, irréaliste et pour finir coercitif (avec sésame d’un « sachant » psy et moult week-ends de formation !). Bref, mon parcours d’élucidation et de démission, tel est l’objet de cette contribution, étant entendu que ce n’est qu’un point de vue subjectif, donc forcément partiel et partial.

En novembre 2019, je rencontrai Richard B* au centre LGBT de Paris pour lui confier mon désir d’intégrer une colocation affinitaire. Il m’assura qu’un tel projet était en train de prendre corps. Suivirent plusieurs péripéties, coloc 1… coloc 2… beaucoup d’attentes et de déceptions. Et de fort sympathiques rencontres ! Bref, le temps a passé. Trop de temps et trop d’attente vaine. Mais un délai de deux ans et demi somme toute utile car, après mûre réflexion, je décidai, presque soudainement, en juin de cette année de prendre du recul et de faire un break. D’une part, plus que jamais, je devais m’assurer que mon projet personnel était sûr, réfléchi, en cohérence avec mon évolution, un projet non pas idéologique, mais réaliste et viable. D’autre part, il fallait être certain que ce projet personnel pût être relayé et étayé efficacement par Grey Pride, l’association qui monte et fait feu de tout bois. Peut-être se pouvait-il que la fameuse « coloc » affinitaire, toujours en attente de labellisation ainsi que d’une expérience probante dans le 9ème arrondissement, était indument idéalisée ou idéologisée, ne correspondant plus à la réalité factuelle ni à mon orientation personnelle quant à ma conception d’une colocation entre seniors. Mais comment expliquer un tel hiatus ? Comment admettre qu’au fil des jours je me sois senti à ce point démotivé, sceptique, déphasé… comme dégrisé ?



En réalité, me concernant, les faits sont bel et bien là : depuis une dizaine d’années, surtout depuis ma tribune parue dans Le Monde le jour même de la gay pride 1 , je me suis mis en marche vers une assomption et une revendication personnelle d’ « indifférence ». Car “ma profession de foi” (blasphématoire ?) dans la presse de l’époque n’a pas pris une ride ! C’est peut-être moi qui ai (mal) vieilli, qui suis rentré dans le rang, par conformisme, par lassitude, par besoin de sécurité, peut-être à cause d’un virus idéologique masqué et inoculé dans mon naïf prêt-à-penser. Pourtant, si je prends la peine de réfléchir, d’observer, aussi de me sonder, de me remettre en question, de reconnaître piteusement mon déficit de militance et mon narcissisme hédoniste…, oui, aujourd’hui encore, en équilibre instable sur le prétendu socle sur lequel je croyais m’être glorieusement construit à la fin du siècle dernier, eh bien je continue de me défier de « l’essence » de l’homosexualité, de la consistance d’une pseudo « communauté », de la survalorisation d’une prétendue Culture gay, etc. Et de toute militance bruyante, parfois hargneuse, toujours axée sur les « droits », rarement sur les « devoirs » et, sur le qui-vive, cédant si souvent au prurit de la victimisation : ça fait tellement du bien de se gratter jusqu’au sang ! Même si je sais avec Didier Eribon, qu’on n’est jamais gay une fois pour toutes ! Mais est-on gay ? Est-on hétéro ? Est-on trans ou doit-on à tout prix le devenir ? “Identité” impalpable autant qu’irréalisable… Identité peut-être plus historique que personnelle. Assignation sociologique plus qu'enracinement intime. Davantage affichage social qu’authentique prise de conscience d’un “moi” qu’il faudrait à tout prix devenir et revendiquer urbi et orbi. Sans doute est-ce la maturité qui permet de relativiser et de déconstruire. C’est en tout cas ce que j’éprouve de plus en plus, ce qui m’apaise, ce qui m’unifie et m’individualise… tout en m’universalisant !



Pour en revenir au projet de colocation proposé et porté par Grey Pride, et dans le prolongement de ma prise de conscience, il m’est apparu de plus en plus clairement que l’avenir n’est pas, ne doit pas être, au repli identitaire ni à une forme de « communautarisme domestique ». Du moins en ce qui concerne mon propre devenir. Mais ça n’a rien à voir, se récrieront les zélés promoteurs ! Désolé, mais j’estime réel ce risque endogamique, accentué par l’obsédant mantra du “vieillissement omniprésent, lucide et responsable”, un rétrécissement qui, selon moi, n’est pas exagéré, peut-être inhérent à un concept annoncé pourtant comme révolutionnaire. Or moi, je n’y crois plus et, en réalité, je m’en défie. Bien sûr, ce projet qui se veut pionnier, à mon avis déjà daté voire rétrograde, — ce projet auquel pourtant j’ai tant cru et dans lequel j’ai tant investi en temps, en énergie, peut-être en… rêveries romantiques ! — ne minimise ni n’annihile la militance des uns et des autres, encore moins le dynamisme neuf de l’association Grey Pride. Vraiment du beau boulot et une vitalité probante. Dont acte. Et pourtant, ce projet-pilote, cet entre-soi, pour ma part, non, je ne le sens plus, je ne m’y retrouve plus, je ne parviens plus à m’y identifier ni à me motiver pour mon futur…



Bizarrement, je m’explique mal comment peu à peu le doute s’est insinué en moi, a gagné du terrain… Je me sentais pourtant si sûr, si péremptoire, si lyrique, si combattif ! Si appliqué à rédiger une Charte fondatrice ! J’étais pourtant bien placé pour savoir la dangerosité des dogmes et autres crédos gravés dans le marbre… Ce que je sais aujourd’hui, c’est que depuis le printemps dernier, tout in petto me révulsait et protestait en silence : NON MERCI ! Plus pour moi ! Pas de différence estampillée, pas d’assignation à résidence, encore moins de réserve de vieux Iroquois ! Une telle défiance fut sans doute nourrie par la déception, les défections et un interminable accouchement qui, on le sait, provoque parfois quelques lésions.

Juin 2022 a aussi servi de catalyseur et de détonateur, suite à une succession de couacs : l’incontournable et insupportable « mois des Fiertés » (Ma seule “fierté ” minuscule est de ne pas avoir honte, – non d’une pseudo identité ontologique – mais de mes préférences sexuelles.)… un mot d’ordre (trans) pour la marche rageur et indigne (« Nos corps, nos droits, vos gueules ! »)… trop de logorrhée tapageuse, parfois agressive, forcément inclusive et absconse (LGBTTQQIWAPZT+ etc.) … une commission Habitat léthargique, une coloc-témoin peu lisible et donnant plus l’envie de décamper que de s’agréger… des candidatures fantomatiques, une surmédiatisation inappropriée, diverses tergiversations… bref, tout ça accumulé… cette usure devenue insignifiance voire méfiance n’a fait que mûrir ma décision de me retirer du projet de colocation affinitaire porté par Grey Pride. Courage ! fuyons. Car mieux vaut s’éloigner et la boucler. Plutôt que risquer de devenir amer, injuste… ou, pire, homophobe !



Si je dois persévérer dans mon projet de colocation, hors de la région parisienne (y rester serait un second anachronisme !), il ne pourra désormais se déployer que dans le cadre d’un habitat partagé senior mixte et indifférencié, ni typé ni genré, la sexualité des un•e•s et des autres (ce qui en reste à cet âge !) ne constituant qu’un épiphénomène, un caractère privé, en aucun cas un pedigree coagulateur et fondateur.



Pour finir, cette perplexité : en retirant, en juillet 2022, la mort dans l’âme mais la joie au cœur, ma candidature « historique » à l’habitat partagé, en renonçant à mon rôle de « sergent recruteur » de la coloc 2, plutôt que renier mon credo de 2007 — certes trop pompeux et tonitruant pour être tout à fait honnête ?! — peut-être ne fais-je après tout qu’y revenir aujourd’hui et lui redevenir fidèle, mais cette fois lucidement, humblement, en faisant profil bas… sans taire toutefois ma revendication, mon combat, ma seule fierté revendiquée :



« (…) Parvenir enfin à l'indifférence. Consentir à l'insignifiance. Gommer l'appartenance. Ce pour quoi, émasculant les mots imbéciles et fuyant les flonflons, je hurle au silence comme un bâtard galeux : "Né-ga-ti-vons et rentrons chez nous ! »



Aujourd’hui, loin de Paris, je suis rentré “chez moi” qui, en fait, est un ailleurs. Ne sachant pas d’avance comment je m’y enracinerai, ni comment je vieillirai. Peu importe. Évidemment pas seul ni sans solidarité ! L’essentiel fut pour moi de trancher, de renoncer, d’adhérer à ma petite vérité, de m'y réajuster, de m’y loger, le plus anonymement et le plus sobrement possible. Small is beautiful et "Pour vivre heureux, vivons cachés". Loin de la foule, loin des modes, loin des slogans, des luttes et des mots d’ordre ! Basta. Avec au cœur cette intime conviction : finalement, qu’on soit lent ou rapide, prophétique ou retardataire, réformiste ou conformiste, qu’est-ce qui vaut mieux, qu’est-ce qui est le plus important pour aujourd’hui et pour le long terme : le ralliement paresseux aux congénères ou bien l’ombrageuse adéquation à soi-même ? À chacun de répondre. Et de se positionner vaillamment en conséquence.

En admettant d'abord que chaque humain, que chacune et chacun d’entre nous, bouge, change, évolue... doit donc se repositionner, mais jamais avec regret ni amertume ni la stupide impression d'avoir régressé ou trahi car, qui que sous soyons, quand nous scrutons nos vies dans le rétroviseur de la mémoire, nous devons nous efforcer de ne jamais nous condamner nous-mêmes a posteriori, nous fiant encore et toujours à la sincérité et au courage de notre présent d'autrefois.

''Écrit à Boulogne-Billancourt le lundi 4 juillet 2022, le jour de mes 75 ans. Et joyeusement ratifié le dimanche 16 octobre 2022 à Périgueux.''


1 https://www.lemonde.fr/idees/article/2007/06/29/bannieres-et-ostensoirs-par-michel-bellin_929606_3232.html

mercredi 12 octobre 2022

PEUT-ON TOMBER AMOUREUX D’UNE VILLE ?

J’ai narré brièvement tout ce qui m’a fait fuir la région parisienne (Cf. Bye bye Paris). Aujourd’hui, d’emblée et sans ambages, je pose cette question : peut-on, d’une manière globale et moins connotée, tomber amoureux d’une ville de province ?

Sans hésitation, je réponds par l’affirmative. Bien sûr, c’est impalpable, indémontrable, une sorte d’équilibre diffus, d’environnement pacifié, de légèreté durable. Je pourrais évoquer les produits frais, savoureux, moins onéreux, acquis sur de petits ou plus grands marchés pratiquement quotidiens ici. Je pourrais par des mots tenter d’évoquer plus de calme, plus de silence, plus de vie sociale pacifiée sinon enjouée. Je pourrais aussi évoquer plus de visages avenants, y compris commerçants. On prend ici le temps de se saluer, de se parler, de s’écouter. Se dégage surtout une forme de calme bon enfant, de petitesse bienvenue. Car oui, ici, tout est à petite échelle, tout semble paisible,moins pressé, moins motorisé, surtout dans le quartier historique que j’ai élu. Je ne connais rien de la périphérie, sans doute moins poétique, et ne suis pas du tout pressé de m’y aventurer. On dit aussi les transports en commun médiocres, la gestion des ordures calamiteuse, les SDF omniprésents, bref, rien de tentant dans cette « ville de vieux ». Mais je ne m’attarde pas à ces défauts, je n’évalue que mon ressenti, mon cœur moins oppressé, ma respiration plus ample, mes regards décillés et comme lessivés de trop de bipèdes et de trop de béton, ma manière désormais plus légère, plus humaine, de me déplacer, de commercer, de me distraire, de m’endormir, et de m’éveiller, bref, de vivre. C’est une sorte de respiration douce et ample, avec son lot quotidien de menues surprises provinciales que je transforme illico en immenses plaisirs ingénus, parfois drôles. Car, on me l’a souvent répété, oui, je suis un grand naïf qui ne se méfie de personne et s’émerveille de petits riens dérisoires. Certes. C’est ainsi. Je m’aime ainsi. Car, à mon avis, petites ou immenses, il n’existe pas de villes idéales. Il n’y a qu’un endroit assorti ou non à celle ou celui qui l’habite. C’est comme un vêtement où l’on se sent à l’aise. Et cet équilibre, cette harmonie, cette adéquation et cette conjonction valent bien tous les déracinements, tous les éloignements, tous les ensemencements. Et mon emménagement !

C’est donc ainsi que, fidèle au small is beautiful et au Pour vivre heureux, vivons cachés, compte tenu aussi de mon âme de « grand enfant » et de mon inclination à la frugalité heureuse, à l’équilibre entre l’individu minuscule et un habitat à sa mesure, à la proximité de la nature et du terroir, c’est donc ainsi et ici que je me sens désormais mieux, libéré, désaliéné, démédiatisé, démassifié… et que j’ai choisi de terminer ma vie en douceur et en beauté. En bonté aussi, j’espère. Et le plus longtemps possible, si Pouet-Pouet y consent !

mardi 11 octobre 2022

AMOUR SACRÉ, AMOUR CASTRÉ

Sur le chef vénérable du pape François sont vissées deux calottes immaculées, pour ne pas dire deux casquettes, l’une plutôt molle, l’autre rigide : celle du brave homme débordant de charité voire de compassion pour les personnes homosexuelles (« Qui suis-je pour juger ? ») ; celle du Pontife intransigeant, tenant et garant de la morale catholique à l’égard de celles et ceux qui persévèrent dans leur perversion irrémissible. En même temps que la charité pateline, l’invocation de la psychiatrie si essentielle pour canaliser les errances enfantines. Un partout. Et toujours dans la ligne de Benoît XVI qui – il ne faudrait jamais minimiser ni oublier ce scandaleux coup de force – a interdit le 31 août 2005 l’accès des Ordres Sacrés aux gays assumant leurs actes « intrinsèquement immoraux et contraires à la loi naturelle. »

Comme il se doit, l’exclusion en Église est toujours enrobée de douceur et d’empathie – aujourd’hui, de contrition. Il n’empêche, l’ordre règne à Rome. Puisque trop de pédophiles se sont infiltrés dans ses rangs, du fait de l’immobilisme névrogène de l’ordre clérical depuis quelque dix siècles, il est constant pour elle de débusquer des biques émissaires : les gays ! Ainsi, quand les pédophiles pullulent, les homos trinquent. Forcément ! Forcément logique : sous ce karcher à l’eau bénite – outre l’amalgame répugnant –, c’est toute la logique catholique qui est ainsi mise à nu quant au rapport de la Sexualité humaine (accessoirement l’amour) avec le Sacré (accessoirement la foi). En fait, tout procède toujours du même raisonnement, un raisonnement évident, massif, limpide : à un Dieu mâle, des serviteurs mâles ; à un Dieu pur, des presbytes purs ; à un Dieu Trinitaire et fécond en son Essence, une seule et même famille humaine féconde et hétéronormée. Trinité, dis-je, accessoirement secondée d’une déesse : Dame Nature, pas si bonne mère que ça ! Dès lors, comment le phallus (et ses pratiques supposées infamantes) pourrait-il devenir l’échelle de Jacob permettant d’accéder aux Saints Mystères par le truchement desquels le Corps christique – supplicié et sublimé – devient par transsubstantiation une pâle et molle hostie ? « L’Église, même si elle respecte profondément les personnes homosexuelles, ne peut admettre comme prêtres ceux qui pratiquent l'homosexualité, qui présentent des tendances homosexuelles profondes ou qui soutiennent ce qu'on appelle la "culture gay", car il s'agit d'une situation qui représente un obstacle aux relations correctes entre hommes et femmes. » Cherchez la femme ? Du côté de sa seule relation harmonieuse avec son homme (hétéro) ? Ce serait botter en touche. Cherchons à mon avis une explication plus subtile, entre Freud et Mircea Eliade, qu’on pourrait résumer de manière abrupte et imagée : puisque le Dieu chrétien ne bande pas, tout prêtre consacré ne peut être qu’un lévite asexué… à défaut d’être castré ! Ou symboliquement écarté. D’ailleurs, les homosexuels ne sont pas les seuls à être stigmatisés. On pourrait dire des choses très voisines concernant l’empêchement des femmes puisque, depuis des temps immémoriaux, les « servantes du Seigneur » ne peuvent accéder au sacerdoce à cause de leur sexe. Menstruations, pollutions, éjaculations… mêmes tabous, mêmes interdits. Là où le Sacré commande, le Plaisir débande.

Dans son livre « Contre Dieu » (Phébus, 1997), qui éclipse par sa sagacité et son humour la charge de Michel Onfray qui fit long feu, Alain Tête a bien analysé cette logique manichéenne. « L’amour profane et l’amour sacré, Eros et Agapè, sont incompatibles parce que l’un est faux et l’autre vrai. Dans l’un, le corps jouit. Dans l’autre, l’âme parle. (…) Que le christianisme soit hanté par le déni du phallus et que ce déni prenne la forme de l’Amour mystique, en sacralise la vérité, en fasse pour l’homme un devoir, resterait inintelligible si Dieu bandait. Mais nous savons que le dieu chrétien ne bande pas. Il aime. Dieu incarné mais dieu vierge, né d’une vierge, Jésus est le déni du corps sexué et le christianisme sa hantise perpétuée. En inventant un amour pur, le christianisme a brisé pour longtemps l’unité humaine puisque l’aimé a une âme avant d’avoir un corps. De là ce trouble spécifique que le christianisme a introduit dans le langage du sexe. Ne relevant plus de la fascination antique (regard d’effroi devant le « fascinus », pénis tumescent), l’amour profane est désormais une profanation. »

Or, le sanctuaire catholique ne tolère pas la profanation. Ni Pythie ni vestales. Les saintes femmes resteront donc sacristines ; les clercs, de (vieux) célibataires consacrés, évidemment asexuels, et les homos… de pauvres zozos ! D’ailleurs pourquoi le dicastère romain ne créerait-il pas à leur intention un nouvel ordre (mineur) : celui des jongleurs de Notre-Dame des Fleurs gambillant sur le parvis ad majorem gloriam Dei ?! Rions, mes frères, pour ne pas avoir à en pleurer. À ce propos, le génie ne consiste-t-il pas à fuser (!) tout en restant économe. Démonstration : Nietzsche. En quelques mots, il disait déjà la même chose qu’Alain Tête ou Michel Onfray, en plus condensé, en plus percutant : « Le christianisme a donné du poison à boire à Eros ; il n’en est pas mort, mais il a dégénéré en vice. » Nous en sommes toujours là. Rien ne change car rien ne peut changer dès lors que sont complices une anthropologie surannée et une théologie mortifère. En ces conditions, les papes se succèdent et c’est le même immobilisme. Le mal-être des clercs – les crimes d’une minorité – est de plus en plus dévoilé, et c’est la même consigne : « Circulez, il n’y a rien à voir. » Logique infaillible : puisque l’Institution catholique, s’autoproclamant « experte en humanité », a les paroles de la Vie Éternelle, rien d’étonnant à ce que le Dogme ancestral de l’homophobie soit gravé dans le marbre du Vatican in saecula saeculorum.

Ainsi, à défaut de pouvoir effacer de la surface de la terre le mauvais arbre qui fatalement ne peut porter que de mauvais fruits, eh bien ! que ses branches soient sciées ; les surgeons éradiqués ; les bourgeons froissés ; que toute promesse de vie, de tendresse mutuelle et de fécondité conjugale soit niée et annihilée puisque, tel le figuier, cet arbre de Sodome, de toute éternité, fut et reste maudit par Dieu.

J’ajoute encore ceci, non comme inutile provocation mais en guise de témoignage : ayant quant à moi goûté successivement à ces deux liqueurs (la première, combien amère !) – le déni du corps consacré puis la rédemption par l’amour (homo)sexué – ma religion est faite depuis longtemps et mon ivresse assumée : pecca fortiter ! Avec cette petite consolation – en fait immense et ardente : puisque, selon moi, le christianisme est au Christ ce que le chauvinisme est au chauve ou la calvitie à Calvi ! ma Foi, elle, reste sauve. Quoique hors-norme. La foi de nombreux gays aussi. Mais hors sol. Hors tribu bien-pensante. Hors catholicisme. Évidemment hors cléricalisme. Uniquement dans et par l’Évangile. Une sorte de spiritualité séculière, telle que la promeut l’ancien prieur (défroqué) de Bocquen. Et une morale minimaliste à la Ruwen Ogien : ne pas nuire à autrui, en aucun cas, tout en disposant librement de soi-même, de son propre corps, de son sexe. Avec cette confiance renforcée en celui (quelque part, un peu transgenre, non ?! Et passablement délirant car il s’imaginait être le confident et le fils du Très-Haut ! Mais il avait bon fond et c’est ce qui doit rester du « christianisme » fondé par Paul de Tarse : Jésus est cet Homme génial, doux, pacifique, poétique, fraternel, ami des petits et des sans-grades. ) Et j’aime à me souvenir et à croire que, depuis l’aube pascale plus tard mythifiée, ‘Isà le Magnanime continue d’accueillir, d’apaiser, de relativiser, peut-être de sourire tout en traçant des signes cabalistiques sur le sable car, murmurait-il sans juger, « il y a beaucoup de demeures chez mon Père. Sinon, pourquoi vous aurais-je dit que je vais vous préparer une place ? » (Jn 14, 1-2).

Une place pour nous tous ? Chic alors ! Et, pour le reste, que passe son chemin et s’efface au loin la procession des papes et autres imams et ayatollahs obscurantistes et pharisaïques ! Tous manipulateurs du divin, ennemis du genre humain, et certains, assassins.

vendredi 30 septembre 2022

BYE BYE PARIS

Trop de boucan Trop de gens Trop de béton Trop de stress Trop de bagnoles Trop de vélos Trop de trottinettes Trop de métro Trop de retards Trop d'incivilités Trop de grèves Trop de pubs Trop d'ennui Trop de solitude Trop de vie surjouée Trop de noir Trop de jaune Trop de blanc Trop d'arc-en-ciel Trop de faciès Trop de rastaquouères Trop de vains bipèdes Trop de canins Trop de faux amis Trop d'air anémié Trop d'eau encapsulée Trop d'aurores artificielles Trop de périf démentiel Trop de crépuscules néons Trop de petits cons Trop de bourgeois indifférents Trop d'intellos Trop de ridicules bobos Trop d’homoncules bios Trop de dogmatisme urbain Trop d'orgueil parisien Trop de faux-semblant Trop de vrai néant Trop de trop plein Trop de trop vide Trop de tout Trop de rien Trop, c'est trop ! Et moi en trop !

BYE BYE Paris !

Sans regret et sans merci.

Écrit le jour de mon bienheureux exode, le 1er octobre 2022.

dimanche 25 septembre 2022

A MON CENTURION (poème homoérotique)

''Un jour, ayant visionné le matin à la télé le défilé militaire aux Champs-Élysées, haletant, exalté, je composai d'une traite cette ode pornographique. En ce temps-là, j'habitais non loin de Paris... Ce poème enivrant, je le relis de temps en temps. Ou plutôt, puisque désormais nous sommes proches, définitifs amants aimantés, cette ode je la VIS jusqu'au délire.Nique et nunc. Car le sexe est une urgence sans raison, n'est-ce pas ? En ce dernier dimanche de septembre, en ce premier week-end passé seul en terre périgourdine, après ton bref passage hier et ton retour bientôt, je te dédie, cher Centurion, cet hommage à ta virile et si rassasiante présence. Que du bonheur et honni soi qui mâle y pense !

CHANSON MARTIALE

Chantons, en salves d'or, chantons Sous ma dextre câline Les fiers appâts de mon planton : ses roustons et sa pine.

Mon adoré, quel fier hoplite ! Sous le choc de sa hampe Mon désir parfois se délite Quand menace la crampe

Mais aussitôt son doux sourire Apaise mes alarmes. L'assaut de choc est miel et cire, Je ris et rends les armes !

Soit par devant soit par derrière, Épieu ou trou du cul, Mon amant est aussi rétiaire Dans l'arène invaincu.

J'aime guetter sous la résille le magique lombric qui s'éveille, forcit, frétille puis se dresse en aspic.

Son venin est inoffensif Laitance parfumée Que je lape, longtemps pensif. Très Sainte Verge aimée !

__Chantons, en bref distique séminal, chantons Les états de service de mon beau planton !__

jeudi 8 septembre 2022

" MARYLIN, CE NE SERA PAS POSSIBLE..."

La scène de passe dans un théâtre parisien à l'ancienne capitonné de velours cramoisi. Elle est là, à mes côtés, aussi irrésistible qu'invraisemblable, enveloppée d'un vison blanc démesuré, câline, enjôleuse, tentation platine qui m'étourdit. Je suis subjugué. Nous changeons plusieurs fois de place, elle l'exige, avant de nous laisser tomber dans deux sièges profonds. Enfin, nous pouvons nous laisser aller à la volupté. S'approche alors sa grande bouche vorace et, comble du romantisme, je sens soudainement qu' on (elle ?) me fourre un index dans... le trou de balle ! Plus navré qu'effaré, j'ai un recul nerveux et je laisse doctement tomber cette phrase désormais historique : " Marylin, ce ne sera pas possible... Je suis intégralement homosexuel." Aussitôt, sans transition, se superposant à la fuite outragée de la dame, cette scène gourmande : me voici en train de peaufiner amoureusement une énorme omelette norvégienne. Le maître-queux s'applique, peaufine, s'enthousiasme, tartine et retartine le chef-d'œuvre glacé d'abondante meringue, puis l'enfourne lorsque...

Je me réveille effaré !

Cinq heures du matin. Incroyable ! J'ai dormi sans interruption jusqu'à 5 heures ! La veille, chez mon ami fidèle, j'avais décidé d'être sobre et de ne plus prendre de somnifère pendant quatre nuits d'affilée, le temps de me refaire une santé avant ce déménagement qui me stresse délicieusement (enfin fuir Paris !). Bien m'en a pris : une nuit de rêve, sept heures de sommeil intégral, sans réveil inopiné, pas même une pause pipi ! Cela ne m'était pas arrivé depuis... Et il a fallu qu'un rêve, soigneusement noté ici, aussitôt, mot pour mot, sectionne le charme réparateur. Doux répit nocturne...

Jusqu'à ce qu'une bombe glacée aussi mythique que fantomatique interrompe mon havre, froufroutante d'hermine, de blondeur, de douceur...et de crème meringuée !

Il est six heures et Pau s'éveille.

vendredi 26 août 2022

QUEL ÂGE AS-TU ?

Est-ce si important ? S’il s’agit de l’âge ressenti, pas de l’âge de l’acte de naissance, oui, ça compte. Comme pour la météo. Personnellement, je me fie à mon indice d’âge réel. Psychologique. Émotionnel. Sentimental. Selon l’équation que j’ai mise au point et que je ne vais pas tarder à faire breveter.

En un mot, il s’agit d’__additionner 3 critères d’âge et d’en faire la moyenne.__ La seule différence avec la météo ressentie (phénomène du refroidissement éolien), c’est que le vent n’a aucune importance. Donc, tu peux faire le test, avec ou sans mistral, avec ou sans brise.

Je reprends : quel âge as-tu ?

Il te faut considérer trois âges. 1/ L’âge que tu as. 2/ L’âge que tu parais, qu’on te donne. 3/ L’âge que tu ressens, on peut dire : l’âge que tu t’offres.

Mais ATTENTION ! Les coefficients sont différents. Pour l’âge du corps, coefficient 2. Pour l’âge attribué par les quidams, plus ou moins bien intentionnés à l’égard de ton vieillissement programmé, c’est coefficient 1 (et c’est encore chèrement payé !) Enfin pour l’âge ressenti, coefficient 3.

BREF, TU ADDITIONNES TES DONNÉES PERSONNELLES ET TU DIVISES PAR 6.

Au vu des résultats, soit tu gazouilles car tu regrimpes en enfance. Soit tu as du souci à te faire car tu as pris ces temps un sacré coup de vieux.

Conclusion en ce qui me concerne : Pour un septuagénaire qui totalise trois quarts de siècle et qui quotidiennement fait sienne cette devise : « Je n’ai pas l’âge de mes artères mais celui de ma libido et de mon cœur », je me sens en pleine forme à 45 ans !

Maintenant, à toi de jouer…

Et j’ajoute cette autre maxime, pour faire bonne mesure, toujours avec ou sans vent : « J’ai attendu impatiemment de devenir vieux. Parce que cela pouvait être un moyen d’échapper à ce que les gens attendent de vous ». (Lars Loren)

Crois-moi, il n’y a vraiment plus de temps à perdre !

lundi 15 août 2022

L'ABERRATION DU CHRISTIANISME (bis repetita placent)

13 ans plus tard, en cette absurde Fête de l'Assomption - oú Marie, la Vierge-Mère, fut propulsée au 7e ciel en sa glorieuse carcasse, selon un dogme catholique aussi approximatif que tardif (1950) - de ma part, face à cette consternante superstition, la même hargne, la même conviction, la même euphorisante et hygiénique offensive !

Merci à ma Muse corruptrice.


L'ABERRATION DU CHRISTIANISME

Pour un athéisme intelligent et généreux

« Ce que je reproche le plus au christianisme, c'est d'ajouter à l'opacité du réel la niaiserie d'une explication. » Une fois passée la déferlante des bourdes papales (en attendant la suivante), une fois assourdies les éternelles chamailleries entre cathos progressistes et intégristes trisocomiques renvoyés dos à dos, mon aphorisme maison me tient encore plus à cœur et mérite ici de nouveaux développements afin de passer à la moulinette toutes les sornettes chrétiennes.

En premier lieu, on doit bien admettre que parmi les trois grandes religions, le christianisme aggrave son cas. Car si « Dieu » s'était contenté d'être YHWH, et Mahomet le prophète d'Allah, on laisserait volontiers chaque communauté régler ses comptes avec le divin. Mais voilà, Jésus est passé par là : Dieu s'est fait homme pour que l'homme se fasse Dieu (disait un Père de l'Eglise). Ni plus ni moins. Un Bon Dieu, passe encore, mais son rejeton ! Pure aberration génétique, illogisme consubstantiel. D'où ma consternation à l'heure où le catholicisme relève la tête : pourquoi donc adjoindre toujours le grotesque à l'absurde, la superstition de la lettre au ridicule de l'esprit ? À l'heure où la Pureté écologique tient lieu de nouveau dogme, comment ne pas souhaiter une salutaire marée noire dans cet océan d'eau lustrale et de guimauve spirituelle !

Car, Messieurs les Théologiens, parlons franc : n'y a-t-il pas de quoi pouffer quand on consent à redevenir un instant sérieux pour résumer posément votre excentrique équation : « Dieu » en personne, votre Eternel, Essentiel, Immatériel Dieu a donc envoyé sur terre son propre Fils pour racheter l'Humanité en perdition. CQFD. Et pourquoi pas sa bru ? O felix culpa ! (nous parlons de la Rédemption, pas de la dame.) En prétendant ainsi clôturer l'histoire des hommes, votre sotériologie a inventé une théologie de l'Histoire ! Votre Eglise a de fait capturé le devenir de notre planète pour en faire sa chose : la seule Histoire Sainte possible. Secte originelle (victime ô combien consentante de sa propre réussite), le christianisme - qui est au Christ ce que le chauvinisme est au chauve ou la calvitie à Calvi - s'est ainsi arrogé le droit du dernier mot et prétend le proclamer urbi et orbi en d'incessants sermons, discours et exhortations quand ce ne sont pas d'inflexibles restrictions morales concernant le sida, la fin de vie ou l'avortement. Sous la redondance moralisatrice, toujours l'éblouissant tour de passe-passe et la fascinante métamorphose : tel le catoblépas, cet animal fabuleux des cathédrales qui se repaissait de sa propre chair, la prétention de la Tradition catholique - et son absurdité - s'engraisse d'elle-même, indéfiniment, infiniment, impunément. Et nulle objection possible : l'Eglise aura forcément réponse à tout puisque « elle a les paroles de la Vie éternelle » ! Imparable logorrhée qui décourage toute contradiction car, dixit St Paul (qui, selon la même logique, s'est autoproclamé « l'avorton » tout en faisant main basse sur la jeune communauté balbutiante pour en faire « sa » chose et « son » combat), Dieu s'est servi de ce qui est Folie pour proclamer sa Sagesse à toutes les nations jusqu'aux extrémités de la terre. Paradoxe formidable, génial coup de bluff auquel communie le croyant depuis vingt et un siècles : en se rassasiant d'absence, il se gave de sens ! C'est ce qui advient dans l'eucharistie, non pas simple commémoration, mais logophagie. Que ce soit dans la main ou sur la langue, sur le parvis de Notre-Dame ou dans la plus humble paroisse de brousse, il s'agit bien pour le catholique fervent d'absorber une parole – le Verbe fait chair – de s'en gaver, de l'avaler au double sens du terme : bobard et hostie. C'est trivial et sublime. N'essaie pas de comprendre, crois seulement, abêtis-toi et… gobe. Transsubstantiation, y'a bon !

Que rétorquer à cette énormité chrétienne, sorte d'écœurant loukoum ? Encore un petit effort, semblent susurrer les âmes pieuses : qui n'aimerait pas être sauvé ? Ressuscité d'entre les morts ? Qui ne serait pas soulagé d'abandonner définitivement son corps sexué (donc pécheur, pouah !) pour devenir une âme immortelle, défaillante de félicité dans l'éternelle garden-party céleste ? Paradisiaque Parousie qui fait délirer les frustré(e)s. L'athée convaincu – dont l'intelligence est blessée – peut évidemment protester, contre-attaquer, démontrer, etc. À mon avis, c'est assez vain et épuisant. L'arme la plus forte, en définitive, plus fatale même que l'imprécation sacrilège, reste le rire, un rire iconoclaste dévastateur. Pimenté parfois de subtile ironie. Ironie déjà chez Pilate : « Qu'est-ce que la vérité ? » En tout cas plus la mienne, pas la vérité de la Croix en lieu et place du Phallus Pantocrator, pas l'emblème de la déraison chrétienne qui, depuis l'empereur Constantin et son étendard victorieux, prétend désormais désigner à l'Univers l'envers sublimé du réel : de maudite, la souffrance deviendrait rédemptrice et c'est sur un gibet que désormais devraient être à jamais crucifiées nos trop humaines passions. Face à l'« Ecce homo ! » (encore un mot de Pilate, décidément facétieux !), le Christ en Gloire des mosaïques byzantines. Revu et corrigé par la théologie, le prétendu Homme-Dieu retourne ainsi la réalité humaine comme un gant écorché : la souffrance est transcendée, le Destin défatalisé, l'homme divinisé. Nouveau contresens de l'Histoire scellé par le sang de l'Agneau. « J'ai versé telle goutte de mon sang pour toi… » parole sublime et très sotte que Pascal prête à Jésus-Christ. À ce stade, la foi n'est plus une indigeste pièce-montée mais un amas d'écœurants abats ! Foin de Sacré-Cœur, disons les choses plus simplement : ni plus ni moins que les autres religions mais d'une façon bien plus perverse, le christianisme n'aime pas l'humanité puisque la vraie patrie de l'homme est au Ciel et que la voie royale pour y parvenir est le chemin de la croix et la haine de soi.

En ce qui me concerne - puisque l'athée a aussi le droit après tout d'être témoin -, désormais joyeux athée à la mode de Prévert (A comme absolument athée, T comme totalement, H comme hermétiquement etc.), mon seul vrai regret n'est pas d'avoir défroqué trentenaire, non, mais de m'être éclipsé trop tôt car ce n'est pas en cinq ans ni même en vingt mais en quarante qu'on peut devenir un curé Meslier ! (On sait qu'en juin 1729 Jean Meslier, curé de la paroisse d'Étrépigny, laissa à sa mort une enveloppe contenant… le texte fondateur de l'athéisme et de l'anticléricalisme militant en France. On imagine la tête de ses ouilles qu'il édifia et bénit durant tant d'années !!!) Sublime vocation : avoir le front et la persévérance de s'enkyster patiemment dans la croyance pour mieux la dissoudre de l'intérieur, exténuer la foi moribonde sous le masque propret de la fidélité, s'autotransfuser le doute-à-doute mortifère nuitamment, obstinément, voluptueusement…

Aujourd'hui en tout cas, en mon âme et conscience, ma conviction est faite : « Dieu » est une hypothèse inutile, les religions, des mystifications mortifères, dangereuses et démobilisatrices et l'Incarnation chrétienne, une irrationalité grotesque et inhumaine. Place donc à un athéisme intelligent et généreux qui est une voie difficile, ô combien difficile et en même temps exaltante. D'ailleurs n'est-il pas urgent d'inventer un nouveau qualificatif positif et mobilisateur qui effacera à jamais tous ces préfixes privatifs défigurant notre humanisme et notre éthique (athée, incroyant, apostat etc.). Certes, celui qui réfute toute transcendance n'est pas, par définition, subversif, encore moins prosélyte, mais dans un monde dominé par le retour intempestif et bruyant de l'obscurantisme religieux, il le devient. Il a même à opérer d'urgence une sorte de coming-out pour proclamer dorénavant haut et fort ses lettres de noblesses et sa feuille de route : non plus un frileux agnosticisme mais un vigoureux athéisme énoncé en termes positifs, qu'ils soient savants ou familiers : MÉCRÉANT, DÉICIDE ou THÉOCLASTE ! Le proclamer mais aussi le vivre, pas sur les tréteaux ni dans les flonflons, mais au quotidien, en se défiant des idoles et en refusant de s'inventer des édens. Et en incarnant ici et maintenant la fraternité, la justice, la liberté… et la laïcité, les quatre vertus cardinales de notre vivre ensemble.

Telle est ma foi d'apostat. Telle est ma fierté d'ex-croyant dégrisé et d'homme de raison parvenu enfin à maturité. En comparaison, tous les dévots de la planète, avec leurs grigris, leurs sacrements, leurs amulettes, leurs processions, leurs miracles, leurs vieux grimoires, leurs indulgences plénières, leurs moulins à prière, leurs grottes miraculeuses, leurs murs sacrés et leurs esplanades du temple, leurs carêmes et leurs ramadans, leurs mitres, leurs kippas ou leurs chapeaux pointus… tous ne sont à mes yeux que de grands gosses qui ont peur dans le noir et se rassurent à bon compte en ânonnant des fables à dormir debout et à croupir à genoux.

« Pour une larme versée sur le Dieu que je perds, mille éclats de rire au fond de moi fêtent la divinité qui m'accueille partout. » J'ai mis cette citation en exergue de mon site littéraire. On dirait encore du Pascal… mais cette phrase, le coquet Jouhandeau – « le diable de Chaminador » comme on l'appelait – ne la cousait pas dans la doublure d'un manteau élimé : il la vivait jusqu'à l'acmé de ses amours interdites après avoir tant rêvé comme moi de devenir prêtre. Avec néanmoins une différence capitale entre Jouhandeau et moi : s'il a toujours exalté le péché de chair dans le commerce des garçons – avec quelle vitalité et sans aucun remords jusqu'à un âge avancé ! – jamais il ne renoncera à ce Dieu qu'il bafouait allègrement. Son péché et son Dieu feront toujours bon ménage, avec force accommodements. Au point que, durant les dernières années de sa vie, l'auteur citera cette phrase des Maximes de St Jean de la Croix : « Une seule pensée de l'homme vaut plus que le monde, mais Dieu seul est digne d'en être l'objet. » Dieu seul ! (Excusable erreur de vieillesse puisque, face à la mort, maints écrivains jusque là lucides et sensés deviennent sur le tard cathooliques chroniques et mysticogélatineux !) Et Jouhandeau d'ajouter dans ses entretiens avec Jean Amrouche, cette fois plus sérieusement et avec une lucidité qui rejoint la mienne : « Dans ma jeunesse, j'ai peut-être aimé le Christ d'une manière trop sensible. Son visage et son corps m'ont requis trop longtemps, beaucoup trop. Mon homosexualité vient de là. » Le visage et le corps du divin supplicié… son sexe aussi, si peu voilé, si mystiquement offert à mon regard pubère, si délicieusement crayonné dans la marge de mes cahiers d'écolier. Là encore : felix culpa ! Car je confesse moi aussi ma foi intacte en ce Ieschoua d'Amour qui me troubla. Son Église, non ! Non merci ! Plus jamais ! Rejet viscéral à la mesure de l'époustouflant paradoxe : la même Institution qui diabolise l'homosexualité et la condamne me l'a transmise en douce, le milieu sacerdotal étant majoritairement homophile et hypocrite. C'est devenu mon constat après quelque trente ans de désintoxication méthodique et assidue. Un constat non pas amer, plutôt serein et même radieux : plus de prêtrise, nulle religion, nulle divinité, ni Incarnation ni Rédemption, ni péché ni grâce, nulle Église - marâtre ou virago - l'Homme seul. Charnel et périssable. Pitoyable et sublime. Enfin affranchi ! C'est en Lui seul que je crois. Et à foi neuve, catéchisme inédit : le contraire de prier ? Rire. Le contraire de mourir ? Jouir. Le contraire de croire ? Savoir.

Et le faire savoir, non plus en chaire mais dans ma chair, en péchant vigoureusement et en pouffant irrespectueusement puisque l'hygiène du nouveau siècle - qui sera athée ou ne sera pas -, c'est le blasphème joyeux !

PAU, ce 15 août 2022

BOULOGNE-BILLANCOURT, 25 avril 2009




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mardi 9 août 2022

LA FÊTE DU 9 (Poème impromptu)

LA FÊTE DU 9

Bonjour Bon aujourd'hui Bon Jour ! Bonjour et merci.

Le 9 du mois Est un jour banal Rien de phénoménal Mais c'est le jour de la retraite virée Qui comble le découvert Et autorise des p'tites folies ! Ce 9-là n'a certes rien de lyrique Mais c'est un jour sympa â fort espoir économique : De bon matin mon compte bancaire a la trique !

__Bon aujourd'hui Bonjour et merci.__

Ce neuf du mois Est aussi le rendez-vous mensuel Avec mon amant de Mussidan Jour forcément neuf Forcément heureux ! Son sourire charmeur Ses yeux pétillants Le reste avenant Et nos soixante-neuf Fougueux Qui vont faire un malheur l Avant la longue et douce accalmie câline...

__Bon aujourd'hui Bonjour et merci.__

Ce matin aussi, Pas de grosse douleur. Mon corps est léger, souple ; Il se fait oublier. Après une nuit brève comme un doux répit, Nuit sans cauchemar et sans insomnie, Corps et cœur s'harmonisent : D'un joyeux clic, comme l'ardoise magique, Ils effacent le passé rouillé Pour incarner sur la percale du plaisir le frais et vierge aujourd'hui.

__Bon aujourd'hui Bonjour et merci.__

Paré de splendeur estivale, Ce 9 du mois Prend du coup des allures de conte philosophique : Un jour de plus... en moins Et c'est très bien ! Bref et intense. Dense sans devenir pesant. Un jour sans âge et sans limites et c'est très bien aussi : Pur instant-éternité. Car il y a trois âges : L'âge qu'on a, L'âge qu'on fait, L'âge qu'on se donne. Le Poète reconnaissant en affiche 75, Il en fait... il ne sait ! En tout cas, il s'en offre 20. C'est fou, c'est doux, c'est provisoire... Et c'est parfait.

Bonjour Bon aujourd'hui Bon Jour ! Bonjour et merci.

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Texte écrit à l'aube du 9 août 2022, Dans le charmant Airbnb de Marie, Rue de la Clarté.

jeudi 28 juillet 2022

UZBEK REVÊT SON CHATOYANT CAFTAN DE PAPIER

L'ensemble de mes billets parus le printemps dernier – ainsi qu'une dizaine d'illustrations originales en noir et blanc ou couleurs – vient d'être publié aux Éditions du Net.

Soir en version brochée (15 euros) soit en version cartonnée (25 euros).

  • Disponible directement sur le site de l’Éditeur (les royalties de l'auteur y sont plus conséquentes !) ;
  • chez ton libraire habituel ;
  • sur Amazon.fr, Chapitre.com, Frac.com, Cultura.com, etc.

Merci de ton appétence uzbéquienne !

https://www.leseditionsdunet.com/livre/le-journal-duzbek

QUATRIÈME DE COUVERTURE

Un vieux Persan explore avec stupeur et bonne humeur certains us et coutumes… Et aussi les replis de son cœur. Reprenant l’argument de Montesquieu, Michel Bellin a décidé de rouvrir son blog au printemps 2022 pour y mettre en ligne un billet quotidien. Son défi : des textes brefs, mordants, parfois tendres, impertinents voire libertaires. Bref, cet ouvrage atypique est le florilège de quelques miniatures ciselées et illustrées par l’auteur de “J’ai aimé – Confidences d’un curé libéré ”.

Michel Bellin est un écrivain prolifique dont le premier opus est paru en 1996 (J. L’Apostat, postface de J. Gaillot, Golias éditions). « Deviens qui tu es », telle pourrait être sa devise. Son itinéraire est en effet singulier : jeune prêtre contestataire, il quitte tôt les ordres, se marie, fonde une famille… assume à 50 ans une homosexualité décomplexée en laissant pour finir à Dieu – qu’il surnomme Pouet-Pouet – le bénéfice du doute. C’est ce parcours de vie qui nourrit l’écriture de cet auteur atypique, à travers une trentaine d’ouvrages : livres traditionnels, ebooks et un premier livre audio en 2022 (Lulu). En filigrane, toujours le même défi quasi obsessionnel : réconcilier l’âme et le corps, la spiritualité et la sexualité, l’humour et l’amour. Bref, Theos et Eros assidûment invoqués et concélébrés !

mardi 26 juillet 2022

" CES GENS-LÀ"

Voici une bourde qui aura eu son petit quart d’heure de fièvre médiatique ! Somme toute attendu et bienvenu dans la torpeur de l’été, entre trois marronniers : la canicule et le tour de France, en attendant l’incontournable « chassé-croisé » estival. Cela devrait alerter sur la bénignité du forfait et les réactions excessives qu’il suscita.

Personnellement, je ne me suis pas senti concerné, encore moins blessé, par la maladresse de Madame Caroline Cayeux. Voici une expression surannée, involontairement comique, qui fleure bon une certaine condescendance de classe. Car chez ces gens-ci, on se bouche un peu le nez tout en affichant son sympathique penchant gay friendly et tout est bien dans le meilleur des mondes, quelque part entre les Groseille et les Le Quesnois de toujours. Pas de quoi fouetter un chat mais évidemment matière, puisqu’on est en France, à levée de boucliers, cris d’orfraie, vertueuse indignation et impérieux appels à démission.

Une unanimité de façade cache souvent de basses querelles intestines, particulièrement dans l’univers gay, qui, à défaut de constituer une authentique « communauté », connaît actuellement quelques soubresauts et piteuse guérilla. Juin 2022, « le » mois de la sacro-sainte Fierté, en fut un exemplaire catalyseur et détonateur. « Nos corps, nos droits, vos gueules » vociféra-t-on dans les rues. Comment ne pas mieux synthétiser, tout en la masquant, l’intolérance hargneuse d’une masse dite festive, en fait noyautée par une faction de trans querelleurs ? Le prurit victimaire, outre le délicieux supplice que chacun peut éprouver en y cédant compulsivement, cache souvent des luttes endogamiques nées d’abus de pouvoir et de frustrations minoritaires, le tout sublimé par d’ardents appels à l’Égalité, à la Fraternité, à la Liberté, etc. Surtout à la reconnaissance universelle, et aux droits davantage qu’aux devoirs. Il n’est pas indifférent par ailleurs qu’une seule association, Grey Pride pour ne pas la nommer, se soit démarquée d’un slogan tapageur et odieux, car autocentré et fermé au dialogue. Tout simplement parce que les seniors homos sont aujourd’hui lassés voire inquiets de ce qu’est devenu le microcosme gay, plus marigot qu’arc-en-ciel, chaque minorité de minorités voulant se faire sa place au soleil et aboyer plus fort que sa voisine. Tout devient alors confus, obscur, rétrograde, dans la surenchère incessante des « luttes », jusqu’à l’ubuesque sigle LGBT…….+ devenu un fourre-tout à rallonges, chacune et chacun tenant mordicus à son Initiale, à son Estampille, sur fond de suspicion réciproque. Et c’est ainsi que ressurgit l’hydre aux multiples têtes hideuses que chacun prétend trancher, sauf évidemment la sienne propre, ces mufles qui ont pour noms jeunisme, radicalisme, communautarisme, lutte de pouvoirs dans les états-majors… le tout, évidemment, sur fond de wookisme mal digéré, de théorie gender mal comprise, et évidemment de tyrannique inclusivité.

Or, bon nombre de personnes homosexuelles, pour reprendre une désignation également datée, voire désormais inappropriée au XXIe siècle, parlons donc plutôt d’êtres humains, ne souhaitent plus être identifiés à leurs préférences sexuelles anecdotiques, donc assignés à résidence, à résilience voire à un militantisme incessant et bruyant, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes. Beaucoup d’êtres humains souhaitent simplement être heureux, qu’on les laisse vivre et aimer et vieillir en paix, sans être pris en otages, sans se laisser embarquer dans des manipulations politiciennes au nom des grands principes abstraits prétendument fédérateurs. De l’air ! De la dignité ! Du silence, please.

Et du simple bon sens. Non ! une maladresse langagière n’est pas une déclaration de guerre. Non ! une bourgeoise n’est pas obligatoirement une homophobe patentée. Non ! une ministre n’est pas ipso facto disqualifiée par une micro bêtise. Non ! les minorités querelleuses ne représentent pas toutes les victimes d’homophobie, mais souvent et uniquement elles-mêmes, leur propre pedigree prétendument méprisé, leur propre leadership prétendument menacé en interne. Car s’il est un troupeau anonyme, bêlant et consentant, il y a et il y aura aussi, partout et toujours, des brebis galeuses déguisées en loups. Ne pas le reconnaître, ne pas y veiller, ne pas l’assumer, c’est aussi offrir des verges (!) pour nous faire fouetter et donner du grain à moudre à un autre « bon sens », moins innocent, voire retors, celui par exemple de Sébastien Lecornu lorsqu’il déclarait : « Le communautarisme gay m’exaspère autant que l’homophobie. »

Il y a une dizaine d’années, le jour même de la Gay Pride parisienne, Le Monde a fait paraître une de mes contributions intitulée « Bannières et ostensoirs »1. Je m’étais en effet mis en marche vers une assomption personnelle par une revendication à l’« indifférence ». Je viens de relire ce texte. À mon avis, ma profession de foi, jugée blasphématoire par certains, n’a pas pris une ride. C’est plutôt son auteur qui a (mal) vieilli, est rentré dans le rang, par lassitude, par routine, par conformisme, peut-être à cause d’un virus idéologique inoculé dans mon naïf et paresseux prêt-à-penser. Or, à y regarder de plus près, de marche en marche, les choses se seraient plutôt aggravées, passant du folklore processionnaire à l’intolérance sectaire. Il est donc temps que, m’éloignant pour de bon de la caravane, je revienne à mes fondamentaux, à mon choix de vie, à mon credo de juin 2007 – certes à l’époque trop pompeux et tonitruant pour être honnête ! – foi néanmoins renforcée, mais aujourd’hui avec humilité, pourquoi pas humour, tout en faisant profil bas, comme chaque fois que n’est pas tenue une bonne résolution :




« (…) Que gagnons-nous à devenir chaque solstice d'été le zoo préféré des médias et les histrions de notre propre folklorisation corporatiste ? En serons-nous demain plus crédibles ? Plus matures ? Plus amicaux entre nous ? Plus efficaces pour tant d'autres militances bien plus urgentes ? (…) Parvenir enfin à l’indifférence. Consentir à l’insignifiance. Gommer l’appartenance. Ce pourquoi, émasculant les mots imbéciles et fuyant les flonflons, je hurle au silence comme un bâtard galeux : « Né-ga-ti-vons et rentrons chez nous ! »




Michel Bellin, écrivain

Cette tribune a été évidemment refusée par LIBÉRATION. Avec l'éternelle raison fallacieuse : faute de place !

''C’est avec attention que nous avons pris connaissance de votre proposition de contribution aux pages Idées de Libération. Nos contraintes éditoriales, qui nous valent un programme de publication très serré, ne nous permettent pas de publier votre article. En vous remerciant de votre compréhension,

Bien cordialement, Sonya Faure, responsable des Pages Idées Anastasia Vécrin Thibaut Sardier Erwan Cario Simon Blin Clémence Mary''














1 https://www.lemonde.fr/idees/article/2007/06/29/bannieres-et-ostensoirs-par-michel-bellin_929606_3232.html

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