Ainsi Helcim Nilbel – ce jeune auteur inconnu – continue dans son troisième "roman" à sonder les affres de l'amour, en utilisant les sortilèges et les arcanes du LANGAGE. Que ce soit la langue châtiée du vieux prêtre ou le registre trivial de la prostituée décatie, ce sont les mots qui expriment les blessures de l'Amour fou, ici quasiment pathologique voire grotesque. D'une manière haletante, sans répit, comme dans deux souffles entrecroisés, les mots de Lucienne et de Julius triturent, déchirent, lacèrent, explosent... parfois s'adoucissent et caressent, dans un registre velouté, presque apaisé. Et c'est alors que le lecteur (l'être humain qui vibre et palpite dans et par le rituel de la lecture) se prend à croire à nouveau à l'Amour, à ses doux sortilèges, à ses caresses de miel ! À ses promesses. Surtout un soir de Noël...
Néanmoins, l'ensemble de cette brève confrontation quasiment "théâtrale" reste, je trouve, éprouvant, parfois désespérant. Concernant le "héros", je ne m'attendais pas à un tel dénouement, dans la chambrette mansardée (les toutes dernières lignes de l'épilogue). Grâce au style soudain épuré du romancier, j'ai pu visualiser cette scène brève et implacable et j'avoue (sans honte) que les larmes ont jailli. Mais dès la citation du début du livre, j'étais prévenu : "Nous ne savons pas aimer..."
En tout cas, même si nous ne "savons" pas, ce double témoignage[ autobiographique ? L'un des dédicataires du livre, le jeune écrivain marocain Rachid O., aujourd'hui hélas silencieux, semble bien avoir inspiré une telle passion aussi dévorante que désespérante ]... cette confrontation donne aux lectrices et aux lecteurs le goût ou l'avant-goût doux-amer de l'Amour. Davantage bière que sirop ! Certes, nous ne "savons" ni chérir ni pardonner mais ici, nous RESSENTONS. Avec empathie. Sans cynisme. Parfois avec humour, Toujours avec une infinie tendresse. Et c'est ce qui donne à ce double cri, dans de si épaisses ténèbres, à la fois la pureté et la dureté d'un DIAMANT étincelant, si rare, quasiment introuvable dans la production littéraire de masse qui encombre si banalement les étals des libraires. Comme quoi, c'est la sincérité qui est payante ! Même quand elle est douloureuse et ici malséante.
Si les vrais, les grands romans sont ceux dont les personnages continuent de nous hanter, une fois le livre dévoré et refermé, LE DUO DES TÉNÈBRES en est un, sans conteste. Un "petit" livre d'à peine 100 pages qui certes se lit très vite mais dont l'empreinte subsiste longtemps, aussi tenace que vivace.
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Ce opus est édité conjointement aux Editions du Net (uniquement livre broché à 13€) et chez AMAZON avec une plus large palette éditoriale (ebook à 6€ ; broché à 11€ ; relié à 19€).