Site Officiel de Michel Bellin - Anecdote

Michel Bellin raconte :

"Fin 2002, mon premier éditeur me titille : lancez-vous dans le roman, osez, ne perdez pas haleine… Alors ce fut Le Messager écrit en huit mois (de janvier à fin août 2003) avec des hésitations… des doutes… des larmes. En fait, mon éditeur me laissait carte blanche après avoir apprécié les deux premiers chapitres. Le roman, c’est plus compliqué que la nouvelle, il faut davantage construire, progresser, creuser… et la fin m’effrayait à l’avance. Le plaisir d’écrire est encore plus fort, ressemblant parfois à un délicieux tourment. La fièvre d’écrire, quand vous vous levez à deux heures du matin ou que, nerveux, vous griffonnez sur un coupon de métro pour ne pas perdre le seul mot juste, oui, l’écriture quelle jubilation, quelle angoisse, quelle volupté ! Ce livre que j’avais entrevu quelques années plus tôt sans réussir à lui donner forme, voilà qu’il prenait vie… qu’il s’emparait à nouveau de MA vie ! Car Le Messager n’est pas un banal roman. S’il fallait trouver une étiquette (est-ce bien nécessaire ?), je dirais que c’est une « autofiction… d’anticipation » . Julius ? C’est moi dans une dizaine d’années, c’est le vieux con que je risque de devenir si je n’y prends pas garde, si je ne trouve pas à temps la bonne solution. Car rien ne sert de mourir, il faut partir à point. Et « la mort heureuse » - avec un Raphaël nu contre son propre flanc, corps encore présentable, avant la déchéance - peut-être est-ce la bonne solution. La plus courageuse ? La plus lâche ? A chaque lecteur de trancher. Une chose est sûre : mieux vaut mourir heureux que malheureux. Et mieux vaut mourir malheureux que ne pas mourir du tout ! Car les bonnes choses ont une fin. Il faut savoir savourer la fin et le vieux Julius, comme tous les héros de mes nouvelles érotiques (les Vladimir, Rachid, Frédéric, Isidore et même le bandant Cédric dans son fauteuil roulant), oui, Julius le patriarche, veut TOUT savourer jusqu’au bout : il est si fasciné par son propre néant, il y croit si fort, il l’espère si ardemment, qu’il entend l’anticiper dans la volupté. Pour renaître à ce néant béni, Julius prévoit de convoquer à l’heure qu’il a choisie tous ses plaisirs extrêmes – musique, gastronomie, jeunesse, beauté, homosensualité… - et veut les enjoindre de s’engloutir sur-le-champ. A l’instant-éternité des croyants (toutes religions confondues, « la cohorte des crédules » comme il les appelle), Julius oppose son éternité-néant. Sa mort choisie serait l’apothéose de l’instant-néant. « Serait »… Au début du livre, deux mois avant la fin programmée du vieillard cynique, c’est encore un conditionnel car le sémillant Raphaël survient et les choses se mettent à changer. La vie se conjugue désormais au présent. La vie redevient multicolore et savoureuse. Car le jeune homme est si pétulant, si impatient, lui, de croquer la vie, d’aimer, de prendre son envol… mais il ne sait pas bien comment s’y prendre ni qui il est au juste… Pédé ou, plus prudemment, bi ? Et si Julius consentait à l’aider à voir clair ? Et si le jeune homme pouvait en retour l’accompagner jusqu’au bout du voyage ? Et si Julius consentait à vivre ? Et si et si… Et si les miracles existaient encore, même pour les vieux apostats ? Tel est mon dilemme, tel est l’argument du roman, , telle sera la chute inexorable dans le vingtième chapitre sur fond de Mahler et d’Iggy Pop… "