Aujourd'hui, jour de la St François, François visite François et vient, au nom de la France, donner au Souverain Poncif des gages de conciliation sinon d’obédience. On dirait du Prévert, ce n'est que de la realpolitik ordinaire. Bof. Oremus.

Il y aura bientôt un an... En février prochain, nous commémorerons le 1er anniversaire de la démission du pape Benoît XVI (13 février 2013). Voilà qui est nettement plus piquant.
A l'époque, je fus tellement sidéré et soulagé par ce geste - et emballé par la Une de Charlie-Hebdo - que je retouchai à la gouache le chef-d’œuvre et l'encadrai aux couleurs du Vatican.

Quand approche la date anniversaire, je contemple le sublime ex voto qui trône au-dessus de mon piano numérique et je relis avec émotion le texte prémonitoire que j'avais écrit quelques mois plus tôt.

Povero Benedetto ! Subito santo. Pour son abnégation et sa lucidité, il le mérite vraiment. Et parce qu'il a vite décampé, il lui sera beaucoup pardonné.


TEMPÊTE AU VATICAN

(Le cauchemar du pape)









« Le vent secoue la maison de Dieu. »

Benoît XVI, homélie du 27 mai 2012

« ''L’atmosphère au Vatican ressemble à la veillée d’armes d’une tragédie shakespearienne.'' »

Marco Politi, Crisi di un papato

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Mon encadrement bleu blanc jaune





Avertissement

Le texte qui va suivre pourrait s’intituler « Tempête sous un crâne pontifical ». En imaginant le pape en proie à la fièvre et au délire, crevant à petit feu de solitude et d’angoisse, l’auteur avoue s’être abandonné à ses démons habituels. Mais la réalité ne dépasse-t-elle pas parfois la fiction ? En effet, il convient de garder en mémoire que la crise qui secoue – ou plutôt désagrège – la dernière Cour d’Europe, ne date pas d’hier, pas même du pontificat de Benoît XVI. Elle est endémique, parfois comique, et ce, bien avant le récent scandale du « Vatileaks » pour reprendre l’expression de Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège. À présent, sans plus de précautions oratoires, pénétrons dans les appartements privés du malheureux Benedetto et faisons un scanner du crâne de celui qui incarne à son corps défendant la tourmente et la décrépitude de l’inique Institution catholique.


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Christe eleison, Kyrie eleison... Seigneur, je n'en peux plus... Ton Serviteur n'en peut plus... Nous n'avons plus la force... Nous n'avons plus l'âge pour ce saint ministère... Trop lourdes, tes clés, Seigneur, trop fragiles les épaules de ton vieux pasteur... prends pitié de Nous... nos forces, notre pauvre cœur, notre foi même, notre charité, notre espérance... tout lâche, tout se délite... s'il est possible, éloigne de moi ce Calice... Gianni ? Gianni !... Tu es là ? Décidément, toujours seul ici !... sans cesse trahi... rien que des courbettes, des simagrées, des regards en code, des sourires mielleux... jamais de main tendue, jamais le moindre élan vraiment fraternel... ce n'est plus possible ! Tous aux aguets, tous à nos trousses... même Angelo qui vient de passer dans l'autre camp... Angelo ! avec tout ce que Nous avons fait pour lui, tout ce que Nous avons enduré... son ascension dans la Curie, grâce à Nous, du jamais vu !... et aujourd’hui, la défection et le silence.

Mais le Pape n’avait pas bu son ciboire jusqu’à la lie, voilà qu’aujourd’hui le pire arrive : Paoletto, mon Paoletto, celui en qui Nous avions toute confiance, le premier qui à l’aube m’embrassait, m’aidait à me vêtir, me présentait humblement ma dalmatique de soie, m’apportait ma collation matinale, alternait avec Nous les versets sacrés des Laudes en notre chapelle privée… voilà qu’il me trahit, l’Iscariote ! Depuis des mois, des années peut-être, le gredin déguisé en saint a volé tous nos secrets, les uns après les autres, Paolo les a violés et divulgués. Nos lettres les plus intimes, il les a pillées, surtout mes notes secrètes à Napolitano à propos du péril homosexuel ! C’est insensé, c’est… c’est… Nous ne trouvons pas de mots pour dénoncer une telle ignominie, pour pleurer une amitié de vingt ans bafouée et trahie ! À qui se fier désormais si les majordomes se mettent eux aussi à table et lâchent le morceau… mais je m’égare, Nous Nous égarons, nous parlons avec l’insigne vulgarité de tous ces journalistes qui nous épient et nous crucifient… surtout cet odieux Nuzzi avec son pamphlet sur Rome. Anatema sit ! Anatema sit ! Même Bertone en qui Nous avions toute confiance nous lâche… il sent le vent tourner, il veut sauver sa peau. Quel couard ! Mais pourquoi s’en prendre à notre banquier ? Pourquoi Tedeschi ? Pourquoi précisément lui ? Et aujourd’hui ? Je ne sais plus… je ne comprends plus… Nous ne savons plus, Nous n’en pouvons plus… Christe eleison… Kyrie eleison.

À quoi bon à présent... à qui se fier ?... Homo homini lupus ! Le Pape demande grâce... miserere... laisse à présent, Seigneur, s'en aller ton Serviteur... c'en est trop, c'est assez !... Nunc dimittis servum tuum, Domine... Quelle heure ? Quel jour sommes-nous ? Mardi ? Mercredi ?... En avril ou en juin ? Le matin déjà ?... Notre tête se brouille... Nous flottons de plus en plus dans un crachin mortel... je perds pied, je m'enfonce... je me liquéfie dans la nuit, le Saint Père mouille de trouille ! Pontifex Maximus... ah ! rire me fait du bien, rire de moi-même... la nuit, le Souverain Pontife a encore le droit de rire et c'est très bien, non ?... c’est encore permis ! Quelle tristesse, quelle débâcle ! Vanitas vanitatis et omnia vanitas... l'imbécile que je suis ! Stupido ! Jamais je n'aurais dû tripler la dose hier soir... C'est l'effet inverse, l'insomnie maximale ! Dieu m'a puni. Stupido ! Stupido ! Stupido ! Quel sale môme je suis resté ! J'ai honte, je m'en veux... toujours rebelle, toujours ce foutu orgueil sous mes airs timides... Jamais suffisamment humble... sans cesse notre conversion à reprendre, Dieu seul, premier servi... notre sainteté en berne, notre indignité… Domine, non sum dignus !



Est-ce honteux pour le Souverain Pontife d'avoir peur dans le noir ? Comme un petit enfant… comme jadis... Mutter, mutter, sois douce, je t'en supplie, souviens-toi de ton petit Josef... ah ! Transtein, c'est si loin... comme je regrette... Georg, tu te souviens ? Tu es là Georg ? Reviens, fratello !... Dire qu'ils osent te salir, ils osent prétendre que tu savais... C'est terrifiant ! C'est terrifiant aussi la nuit ici, sais-tu ? Non, non, tu ne peux pas imaginer, Georg, personne ne peut imaginer... dans ce silence sacré, dans ce fatras de marbre, dans ce Temple sépulcral... et, à cause de la dose, c'est l'effet inverse à présent, l'angoisse maximale, le porche du Néant... Deux ou bien trois pilules hier soir ? Les roses ? Les petites blanches ovales ?... Je ne me souviens plus... j’ai dû inverser… et la Filomena, elle, qui va sûrement s'en apercevoir tout à l'heure... je hais cette nonne ! Comme elle me guette... son museau de musaraigne, son regard acéré, sa manière de tout vérifier, de toujours calculer mes comprimés, compter et recompter... ses fausses manières maternelles, douceur aux lèvres, guimpe rigide, chapelet égrené... c'est sa charité qui me tuera... plus sûrement que ses potions… mulier lupissima !



Et notre foutue encyclique qui n'avance pas... jamais "Purissima Ecclesia" ne sera prête pour l’Assomption... Si je me levais pour essayer de conclure ?... pas la force, plus rien à conclure... et ipsa mors nihil !... il faudrait qu'Alberto termine prestissimo le texte à notre place... Alberto ! Mais maintenant qu'il a lui aussi rallié le camp adverse... tu quoque, mi fili... tous des mous, des tièdes, des ennemis du saint Évangile... décidément seul, désespérément seul, condamné à mourir seul... Jeudi ? Non, pas jeudi, vendredi, on est vendredi demain ? Plutôt tout à l'heure... Vendredi Saint !!... impossible ! Non possumus. Pas déjà ! Pâques est pourtant passé, non ? Mais quel jour sommes-nous donc ?... pas encore l'épreuve suprême... cette année, non, non, je ne peux plus, je n'en veux plus de leur chemin de croix, elle est vraiment trop lourde cette croix... tous ces visages qui vont me cerner, ces pauvres gens hallucinés, ces saintes femmes hystériques, toutes ces caméras, ces micros, ces dagues acérées qui me happent, veulent me transpercer... "Subito santo" ... lui seul, lui seul était digne de la foule, un vrai chef celui-là ! Pauvre Benedetto… Domine, non sum dignus !

Seigneur, Seigneur, je Vous en prie... une seule parole de Vous... appelez-moi, rappelez-moi vite à Vous, je n'en puis plus... un seul mot... j'ai si peur, j'ai si froid...et sanabitur anima mea... maudit traître, il me poursuit jusque dans mon insomnie, ce Marcial, cet aspic mexicain que Nous avons nourri dans notre sein... chaque jour une nouvelle trahison à la une, un scandale de plus, hier un mioche naturel, aujourd’hui un autre trafic pédophile !... et la Presse qui en rajoute, qui mélange à plaisir la balle et le grain, cette meute de hyènes infâmes... même Carlo pactise... Et Paoletto qui m’a trahi ! C’est le coup de grâce. Comment un homme si doux, si affable, toujours prévenant, avec des manières tellement exquises, le premier à m’ouvrir une ombrelle, à repriser discrètement mes dentelles, à m’aider à monter dans la papamobile… Judas ! Mais pourquoi ? Pourquoi ? À qui profite l’outrage ? Quant à l’autre, jamais, jamais Nous n'aurions dû lui confier la direction de " Vidimus Dominum "... trop jeune, pas assez diplomate pour ce poste. Quelle erreur de notre part. Quelle indignité ! Ora pro nobis… Seigneur, ton Feu sur la terre, vite, ton glaive de Justice... qu’il Nous transperce ! Qu’il me fouaille jusqu’aux moelles ! D'ailleurs, avec les Légionnaires du Christ, ça va devenir compliqué, voire impossible pour la béatification de "Subito santo"... qui se ressemble s'assemble !... Non, Seigneur, je sais, je ne devrais pas appeler ainsi mon prédécesseur devant Vous, c'est entre nous... mais non, je ne suis pas jaloux de lui ! je Vous assure...en fait, le Polonais m'écrase... il reste omniprésent ici, sa gloire me poursuit, me disqualifie, m'humilie même dans mes rêves... Le Polak nous rogne les ailes, quoi que Nous fassions… Pardon, Seigneur, pardon, je ne sais plus ce que je dis… Ah ! si seulement le pape pouvait rêver un peu ! Dormir, dormir, juste une demi-heure... dans les verts pâturages, à l'ombre des cyprès... « Vous n'avez pas pu veiller une heure avec moi ? Pas même toi, Simon ? »... Pardon, Seigneur ! Christe eleison... Kyrie, eleison...

Non, non, Nous n'étions pas fait pour cette charge... esthète, esthète Ratzinger, certes, mais pas athlète, "athlète de Dieu", comme on disait de l'autre, mais nous, qu'y pouvons-nous ?... qu’y puis-je si je n’ai pas l’envergure ? Je ne peux plus rien, Seigneur... à 85 ans, je ne vaux plus rien, je suis exsangue… laisse partir ton Serviteur... Domine, non sum dignus... de la douceur, plutôt de la douceur... per favore un peu de tendresse pour le pape, est-ce trop demander ? ... ô Wolfgang, toi seul divin messager, ton miel sur mes ulcères, ton souffle sur mon front brûlant, la Sagesse éternelle du divin Sarastro : der lieb' und Tugend Eigentum ... pardon, ô Christ, pardon, c'est Toi notre seul Sauveur, - pas la musique - non, Toi seul, notre saint Rédempteur... O Jesu dulcis ! O Jesu pie ! Ora pro nobis… mais non ! non ! c'est décidé, non ! je ne pourrai pas ! Qu’Angelo se débrouille ! Qu’il bidouille avec le nonce, c'est son boulot ! Non, nous n’irons pas en France en novembre... La fille aînée de l’Église est flétrie, elle Nous a trahi ! Je le hais trop ce Hollandais, ce suppôt de Lucifer, avec toutes ses lois scélérates en préparation, ses unions immorales, sa croisade contre la Vie !... L’autre du moins, le piccolo, il était plus dévot, plus respectueux malgré son maudit tastentelefon. Mais il a perdu, tant pis pour lui. Bien fait. Vae victis ! Aïe ! aïe ! ma tête... la colère est mauvaise conseillère, me voilà puni... anéanti... mea maxima culpa... j'ai mal, j'ai si mal... même pas la force de me traîner jusqu'au piano pour jouer l'air de la Flûte... Ici, nous n'avons pas le droit, pas de musique, surtout la nuit ; pas de piano pour le pape, niet, il faut dormir, disent-ils, ou prier... prier sans cesse… miserere... Et l’amour ? La tendresse ? Pourquoi l’Eglise est-elle si dure ? Si inflexible ? Pourquoi notre mère à tous n’est-elle qu’une marâtre jalouse du bonheur des hommes ? Nous n’avons pas voulu cela, jamais… Mais nous nous sommes trompés, nous avons failli… Nous avons trompé l’humanité pas excès de gloire et d’orgueil… Kyrie eleison, Christe eleison… Juste un peu de tendresse pour un vieil homme fini… vielen Dank !... Per favore !... Maudite sœur Filomena ! Elle finira par m’avoir… mais à présent tout s'embrouille, tout lâche... c'est moi le lâche ! Non sum dignus non sum dignus non sum dignus... notre pauvre cœur cette fois ! Aïe ! aiuto ! et si… si je m'étais trompé d'anxiolytiques ? Si on avait changé la composition ! Si Filomina avait décidé hier soir de m’empoisonner pour de bon avec sa maudite camomille… Fiat voluntas tua.

Parce que je les gêne à présent, parce qu'Angelo et son dicastère veulent faire place nette, rallier la clique des progressistes menée par Godfreed, c'est patent, Nous en avons la preuve. Trahison ! Conspiration ! Et tout va se savoir désormais, tout est pillé et éventé, offert en pâture, à cause de ce maudit… comment l’appelle-t-il donc ?... Vatica… Vatileaks ! C’est le mot de Lombardi. Mais cette expression est ridicule ! Grotesque ! On se croirait encore dans un infâme roman policier, encore dans ce Da Vindi Code qui a causé tant de tort à notre chère Église ! Usque tandem… Seigneur, jusques à quand pourrai-je tenir ? Immolé avec Toi pour l'éternité. Crucifié pour le Salut du monde. Ce monde impie qui nous persécute jusqu'à la fin des temps. Fiat ! Qu'il soit fait selon Ta volonté... jusqu'à l'agonie, j'y consens... Eli, eli, lama sabachtani... Mais juste un répit, mon Dieu, un tout petit instant de tendresse humaine... comme pour vous sur le chemin de la croix, la douce Véronique... via dolorosa... Cette femme a épongé la face de Dieu ! Gianni ! ma Véronique à moi.... Où es-tu, Gianni ?... où suis-je ?... qui suis-je ?... elle est si lourde notre croix et lorsqu’au sommet du Golgotha le pape... mais où donc est passé ce maudit ragazzo ? Gianni ? Gianni ? Ne me laisse pas, petit, je t'en prie... tu n'es pas déjà parti au moins ? Comme tu es chiche de tes nuits ! Tu ne m’aimes donc plus, toi non plus ? Reviens - c’est un ordre ! - reviens, mia aurora, tout près de moi, je t'en supplie, je suis trop seul... tellement perdu... Nous ne Nous sentons vraiment pas bien cette nuit... toutes ces mauvaises nouvelles, toutes ces trahisons à répétition… viens... approche… carissimo… j'ai peur... reviens… j’ai si froid… sans son Gianni, le Pape dépérit ! »





Fiévreuse et impatiente, la main décharnée a longtemps cherché le cordon dans l'ombre de la chambre. Enfin la lumière se fait. Le vieil homme en tremblant se penche, écarte la tenture... Mais devant l'alcôve, le prie-Dieu est vide : l'uniforme chamarré et l'étincelant morion n'y allument plus de buisson ardent.


Michel Bellin dit Bellinus, ce dimanche 3 mai 2012.


Ce texte, illustré par quelques photos pontificales très impertinente, constitue la seconde partie de l'essai paru sur Amazon (kindle) "L’ÉGLISE CATHOLIQUE ET LA RÉPRESSION (HOMO)SEXUELLE.


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