Ça y est, c’est fait et bien fait, la valeureuse équipe de France vient d’être sélectionnée pour le Brésil. Alléluia ! La presse va délirer, la foule pavoiser, le moral des Français se redresser. Adieu les bonnets rouges, vive le bon vieux chauvinisme bleu blanc rouge !

Moi, à la fois consterné et amusé par ce non-événement, je me souviens. C’était il y a quelques années. Sur le quai d’une gare, je regardais distraitement par-dessus une épaule ce titre énorme barrant la Une de l'Équipe : « LES IMPOSTEURS ». J’appris par hasard que nos tricolores venaient de s'incliner piteusement devant les Aztèques. Mais pourquoi, me disais-je, une telle outrance éditoriale pour cette fessée annoncée ? Depuis belle lurette, ma religion est faite : que ce soit dans la Gaule d'Astérix ou au pays de Zapata, Mandela ou toute autre nation faisant rimer bancalement « baballe » avec « hymne national » : je hais le foot. D'une haine viscérale et totale. Et jubilatoire, pour reprendre un stupide mot à la mode !

Le foot, pardon, le Foot majuscule, majusculin, national, international, mondial et intersidéral ; le foot de mon enfance (tous ces dimanches de pensionnat à me geler les fesses sur les gradins !), le foot de ma maturité, le foot de ma dégénérescence programmée ; le foot et tout ce qui s'y attache comme un essaim de tiques sur un clebs galeux : fric, pub, business, vedettariat, bêtise, analphabétisme, misogynie, homophobie, caprices d’enfants gâtés, grégaire idolâtrie, guéguerre des ego et aussi médiatisation, surmédiatisation, mangeoire plasma, oseille à la pelle, crétinerie des supporters, violence parfois assassine, instrumentalisation politique, récupération patriotique, nationalisme maquillé en franchouillard bleu-blanc-rouge aujourd’hui, hier en cacophoniques vuvuzelas et après-demain en délirantes sambas ! « On a gagné, on a gagné, on a gagné… » Qui « on » ? Pronom indéfini malpoli et imbécile ! “On”, c’est personne. “Les Français”, comme rabâchent les sondages, ça n’existe pas. Et “les Bleus”, c’est tout sauf la France. Cela va sans dire – ni maudire, j’admets – mais tellement mieux en le disant.

D'où mon mépris allègre devant leur déroute méritée d’avant-hier, leur sélection miraculeuse d’aujourd’hui ou leur piquette programmée pour après-demain ; d’où ce matin de novembre - par remémoration et anticipation - une transe béate poil à la rate qui se dilate, etc. Quelle liesse, poil aux fesses !

Oui, quand je pense au foot, d'hier, d'avant-hier et de toujours, c'est la tirade du Chevalier au long appendice qui me monte à la lippe et m'emplit le rictus d'une ire aussi furieuse que dédaigneuse et ponctuée de niet :

Supporters_Les_Bleus.jpg

Suivre des yeux une baudruche traversant à coups de pied et de vociférations un grand pré fauché, tantôt d'un côté tantôt de l'autre

quel intérêt ludique ?!!!

NON, MERCI.

M'offrir par procuration des frissons de bravoure macho, la chope à la main et le cul dans le sofa

bel exploit athlétique !!!

NON, MERCI.

Communier aux transes avinées d'Iroquois en délire qui gerbent leurs injures et brandissent des bannières

noble effusion mystique !!!

NON, MERCI.

Aduler ces grands benêts en shorts qui se rêvent en stars, squattent les 5 ***** et empochent des milliards

triste dérive éthique !!!

NON, MERCI.

Confisquer les Une et les JT pour d'épiques Euros ou autres Coupes ras-le-ball

belle urgence médiatique !!!

NON, MERCI.

Instrumentaliser l'azur national (délavé) en ciment sociétal et exhausteur du moral des ménages surendettés

piteuse démagogie escamotant les débats politiques …

NON, MERCI.

NON, MERCI.

NON, MERCI.

Or, dis-je et je persiste et signe, rien de nouveau sous le soleil : « Panem et circenses » beuglaient à Rome les Anciens avinés ; « Epate et Audimat » susurrent nos Modernes dans la mangeoire plasma. Mais derrière ou devant l’écran, pour finir, ce troupeau de veaux n'a que ce qu'il méritait hier, ce qui demain l’attend : la plus noire des défaites, pardon, pas “noire” (quel racisme larvé, politiquement incorrect !) une belle piquette BLEU-BLANC-ROUGE, avec du crêpe autour, bien noir, lui, et très épais, ouais, en 2014 ça sera vraiment chouette !!!